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    Cinq ans plus tard, bien plus bas, au pied des montagnes, une grande procession s'installait pour un pique-nique. C'était la famille royale du royaume des chevaucheurs de dragons accompagnée de toute sa cour. Cette année, la reine avait décidé qu'ils iraient tous observer la fonte des neiges. Cette reine prend ainsi un rôle important dans notre histoire bien malgré elle. Il faut bien dire qu'elle n'avait rien de très remarquable. Si elle n'était pas vraiment une mauvaise reine, elle ne brillait ni par son intelligence ni par son charisme. D'ailleurs, bien peu de gens se souviennent d'elle ou de son roi. Ils n'avaient rien des grands rois et des reines guerrières d'antan.


    Quine se rappelle pas, les étoiles aux yeux, de ce temps où les rois et reines de ce royaume étaient les plus valeureux des chevaucheurs de dragons ? À cette époque, leur rôle était encore d'assurer qu'humains et dragons vivent en harmonie. Ils ne dirigeaient pas réellement le royaume où chaque famille pouvait se vanter d'être sous la protection d'un dragon. Chaque famille partageait avec un dragon de nombreux secrets. Et c'est là que la famille royale intervenait. Elle devait protéger les dragons et leurs secrets,ainsi que ce peuple connaisseur de tant de mystères draconiques tellement convoités. Qui ne se souvient pas de la reine Athelleen qui, seule avec son compagnon dragon Aegnor, avait repoussé une armée d'envahisseurs avides des secrets du peuple des chevaucheurs ? Cette convoitise était notamment due au fait que malgré les dures conditions des plateaux et montagnes du royaume,grâce à l'amitié des dragons chaque artisan, chaque producteur,chaque paysan faisaient les meilleurs produits de tout le continent.Le vin, les vêtements, les tissus, la nourriture, les armes... Tout était réclamé à prix d'or. Même aujourd'hui, alors que plus un seul dragon ne vole dans le ciel du royaume, certains artisans peuvent se vanter d'avoir su conserver certains secrets. Est-ce pour cela que jusqu'à ce jour la plupart des autres pays les imaginaient encore sous la protection des dragons ? Nul ne le sait.Ainsi, les rois et reines d'antan avaient un rôle de protecteurs envers leur peuple et les dragons, ainsi que de juges. Car dévoiler un secret, blesser un dragon, ne pas venir en aide à une de ces nobles créatures étaient des crimes graves que seul le couple royal était habilité à juger. Sans ça, l'entente ne pouvait avoir lieu, car à cette époque, les hommes avaient bien besoin des dragons, mais l'inverse semblait également vrai. Certaines maladies draconiques ne pouvaient être soignées que par ce peuple,qui leur assurait également une protection contre les autres humains. Tuer un dragon faisait pour certains peuples barbares des héros, d'autres cherchaient surtout les vertus du sang et de la chair de dragon. Malheureusement, les dragons étaient bien trop peu nombreux pour pouvoir se permettre de risquer seuls leur vie pour se défendre. Ainsi, l'harmonie de ces deux peuples était bénéfique pour tout le monde. Et les rois et reines avaient en ce temps un rôle très important qui faisait d'eux des êtres exceptionnels autant en habileté au combat qu'en intelligence.


    Mais il est grand temps de revenir à notre couple royal dont la grandeur passée était un bien lointain souvenir. Il aurait été faux cependant de dire que c'étaient les pires rois qu'avait connu ce royaume. Ils vivaient juste bien au chaud, au fond de leur palais,ignorant tout des souffrances de leur peuple, sûrs de faire de leur mieux. Le roi Bëor était mou et influençable, pas doué d'une grande intelligence, il se sentait toujours dépassé par sa position même au bout de dix ans de règne. Rien qu'en imaginant un conseil, il était fatigué. La reine Daïna vivait dans une bulle depuis toujours, peut-être plus intelligente et moins malléable que son mari, elle restait capricieuse et peu consciente des réalités.Il n'était donc pas rare de la voir pleurer durant les audiences en entendant un paysan se plaindre de la famine. Le soir, elle refusait de manger, car quand même son peuple souffrait, il fallait bien qu'elle fasse des sacrifices. Cependant, le lendemain, elle mangeait comme quatre, se demandant pourquoi elle avait si faim,ayant oublié le pauvre homme. Elle se croyait pour autant bonne et généreuse, et se plaisait à penser que son peuple l'aimait. Mais seul le roi était touché par ses crises de larmes. Tous les autres habitants du château savaient que ce n'était que comédie. Même si chez ce peuple les femmes avaient toujours été les égales des hommes, les conditions étant bien trop difficiles pour ce genre de considération, et que par conséquent une femme avait le même pouvoir qu'un homme pour gouverner, la reine n'avait jamais souhaité participer au conseil. Il était donc légitime de se demander comment le pays n'était toujours pas tombé dans le chaos. Sûrement, me direz-vous, parce que ce peuple avait toujours été très autonome. Mais là n'est pas la question en réalité,et revenons plutôt à notre pique-nique organisé par notre reine.

L'enfant du dragon (TERMINE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant