Dilemme Vital

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Je suis rentrée chez moi, pensive, lorsque ma grand-mère m'a interrompu dans mes pensées. Elle m'a demandé d'aller lui acheter quelque chose au marché. Sur la route, j'ai croisé mon professeur, M. Djédjé , qui m'a félicité pour mes résultats scolaires. J'ai saisi l'occasion pour lui demander s'il avait des nouvelles de Marc Arthur.

"Bonjour, monsieur Djédjé. Comment allez-vous ?" ai-je demandé poliment.

"Bonjour, Maureen. Je vais bien, merci. Et toi ?" a-t-il répondu.

"Je vais bien, merci. Mais j'aimerais savoir si vous avez des nouvelles de mon ami Marc Arthur. Je ne l'ai pas vu à la fête de fin d'année."

M. Djédjé m'a regardé avec un sourire taquin. "Ah, Marc Arthur. Oui, j'ai eu des nouvelles de lui. Ses parents m'ont informé qu'il est allé à l'intérieur du pays pour des soins. Sa grand-mère est guérisseuse."

Je suis restée silencieuse un moment, absorbant l'information. La guérisseuse. On disait beaucoup de choses à leur sujet, souvent entourées de mystère et de légendes. Mon esprit a commencé à vagabonder, imaginant Marc Arthur dans un petit village reculé, recevant des soins traditionnels. Mais très vite, une vague d'inquiétude m'envahit. Pourquoi des soins traditionnels quand il y avait des hôpitaux modernes?

"Merci, Monsieur Djédjé," ai-je murmuré, perdue dans mes pensées. Je me suis excusée et j'ai repris ma route vers le marché, les images de Marc Arthur me hantant.

En rentrant chez moi, les provisions en main, je n'arrivais pas à chasser de mon esprit l'inquiétude pour Marc Arthur. Je devais absolument parler à ses parents.

Le lendemain, après l'école, je suis allée directement chez Marc Arthur. Sa mère, Tantie Solange , m'a accueillie avec un sourire fatigué.

"Maureen, tu es venue voir Marc? Mais il n'est pas là, tu le sais."

"Oui, Tantie. C'est justement de ça que je veux parler," ai-je dit, hésitante. "Est-ce que c'est vrai qu'il est allé chez sa grand-mère guérisseuse pour des soins?"

Elle a soupiré profondément et m'a fait signe d'entrer. "Oui, ma fille. Nous avons essayé tous les hôpitaux ici, mais rien n'a marché. On espère que les soins traditionnels pourront faire ce que la médecine moderne n'a pas réussi."

"Tantie, je comprends, mais c'est trop risqué. Il y a des hôpitaux à Abidjan avec des spécialistes qui pourraient peut-être l'aider. On ne peut pas se fier uniquement aux guérisseurs."

Elle m'a regardée avec des yeux remplis de tristesse. "Maureen, nous avons essayé d'emmener Marc à Abidjan. Mais ici, le système médical est différent. Ils demandent de l'argent avant de soigner. Marc a piqué une crise un jour, et nous l'avons emmené dans une clinique. Ils ont refusé de le soigner sans paiement. Ça coûte très cher, et nous n'avons pas les moyens."

"Mais Tantie, il faut essayer. Je suis prête à vous aider à trouver une solution. On pourrait organiser une collecte de fonds, demander de l'aide à la communauté. Mais il ne peut pas rester là-bas sans essayer d'autres options."

Elle a réfléchi un moment, puis a hoché la tête. "Tu es une bonne amie, Maureen. Si tu penses qu'il y a une autre solution, nous sommes prêts à t'écouter."

Après ma conversation avec Tantie Solange , je suis rentrée chez moi avec un mélange d'espoir et d'appréhension. Le soir, chez les parents de Marc Arthur, une discussion intense avait lieu.

Tantie Solange avait attendu que tout le monde soit calmement installé après le dîner avant de parler à son mari . Tantie Adjoua et Tonton Koffi s'étaient installés sur le petit banc en bois, usé par le temps, juste à côté du tronc rugueux du manguier.

Le ciel s'était teinté d'orange, plongeant progressivement la cour familiale dans une pénombre apaisante. C'était l'une de ces soirées typiques à Abidjan, où l'air humide transportait l'odeur de la terre fraîchement arrosée par les pluies récentes. Les criquets chantaient en cadence, se mêlant aux éclats de rire lointains des enfants qui jouaient encore, insouciants, dans les ruelles poussiéreuses du quartier.

"François, il faut qu'on parle de Marc," commença-t-elle doucement, les yeux posés sur l'horizon où le ciel s'assombrissait.

François leva les yeux de son journal, son visage marqué par la fatigue et les soucis. "Qu'est-ce qu'il y a, Solange?" demanda-t-il, sa voix trahissant un mélange d'épuisement et d'angoisse.

"Maureen est venue aujourd'hui. Elle a proposé une idée pour aider Marc à obtenir des soins à Abidjan. Elle pense qu'on pourrait organiser une collecte de fonds pour couvrir les frais médicaux."

François fronça les sourcils, visiblement contrarié. "Une collecte de fonds? Solange, tu sais que je ne veux pas qu'on soit vus comme des mendiants. Nous ne pouvons pas nous permettre de montrer que nous sommes incapables de prendre soin de notre propre fils."

Solange soupira, cherchant ses mots avec soin. "François, ce n'est pas une question de fierté. Il s'agit de la vie de Marc. Nous avons essayé tout ce qui était possible ici, sans résultat. Peut-être que les médecins à Abidjan pourraient lui apporter l'aide dont il a besoin."

François secoua la tête, visiblement résolu. "Je comprends ton inquiétude, mais la médecine moderne n'a pas toujours la solution. La guérisseuse de notre village a sauvé des vies. Marc a besoin de soins traditionnels, pas de ces hôpitaux qui ne se préoccupent que de l'argent."

"Mais, François, Marc a besoin d'une aide immédiate. Chaque jour compte. Nous savons déjà que la guérisseuse est fatiguée et limitée dans ses moyens. Que se passera-t-il si nous restons là sans essayer autre chose?"

François se leva brusquement, commençant à faire les cent pas autour de la cour. "Solange, la communauté nous observe. Si nous demandons de l'argent, que vont-ils penser de nous? Qu'ils ne peuvent pas prendre soin de leur propre famille? Ils diront que je suis incapable, que je ne suis pas un homme. Et si les soins à Abidjan échouent? Nous serons humiliés et Marc ne sera toujours pas guéri."

Solange se leva et prit les mains de François, les serrant avec une intensité empreinte de désespoir. "François, ce n'est pas le moment de penser à notre fierté. Maureen a déjà commencé à mobiliser du soutien. Les gens veulent nous aider. Ne fermons pas la porte à une solution qui pourrait sauver Marc. Ce n'est pas une question de honte, mais d'amour pour notre fils. Si tu ne veux pas que l'on nous voie comme des mendiants, pense à lui comme à un combattant. Un enfant pour lequel toute la communauté se bat. Pense à ce que cela signifie."

Le silence tomba sur eux, lourd et profond. Les mots de Solange résonnaient dans l'esprit de François, et bien qu'il ait du mal à surmonter sa peur de perdre son honneur, il savait qu'elle avait raison. Finalement, il soupira, résigné.

"Solange, je veux ce qu'il y a de mieux pour Marc. Si tu penses que c'est la meilleure option, alors faisons-le. Mais je te préviens, si cela échoue, je ne pourrai plus jamais marcher la tête haute dans ce village."

Elle hocha la tête, les larmes aux yeux. "Merci, François. Nous allons faire de notre mieux pour Marc. Peu importe ce que pensent les autres, nous saurons que nous avons tout tenté pour notre fils."

Cette nuit-là, Tantie Solange dormit peu, mais son cœur était un peu plus léger. Elle savait que le chemin serait semé d'embûches, mais avec le soutien de la communauté et la détermination de Maureen, ils avaient une chance de sauver Marc Arthur.

DJOROKAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant