L'Attente

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Le lendemain de l'arrivée de Marc Arthur à Abidjan, Tantie Solange n'avait pas chômé. Dès l'aube, elle avait couru dans tous les sens, brassant des appels, secouant ses contacts, se lançant même dans des tontines pour réunir le peu d'argent nécessaire. Grâce à ses efforts, nous avons enfin pu l'envoyer au Centre Hospitalier Universitaire de Cocody, plus connu sous le nom de CHU.

Quand nous arrivons au CHU, la scène est saisissante. Le bâtiment, imposant mais austère, trône au milieu de l'agitation de la ville. Devant l'entrée, des files interminables de gens attendent, certains depuis des heures, d'autres depuis des jours. L'air est saturé de chaleur et de désespoir. Des cris d'enfants malades, des discussions animées, et les pleurs discrets de ceux qui souffrent composent une cacophonie déchirante.

Marc Arthur, faible et épuisé, est appuyé contre moi, ses pieds traînant presque sur le sol. Sa pâleur est accentuée par les lumières crues du CHU. Autrefois, son sourire pouvait illuminer une pièce, mais aujourd'hui, ses lèvres sont serrées, ses yeux éteints. Il semble avoir perdu ce petit éclat de malice qu'il avait autrefois, celui qui faisait de lui le délégué de notre école, celui que tout le monde respectait.

Tantie Solange échange quelques mots avec une infirmière derrière le comptoir d'accueil, mais le regard de cette dernière est vide, presque indifférent. Ici, au CHU, l'humanité semble s'être dissipée sous le poids de la souffrance collective. Après un court échange, l'infirmière hoche la tête, indiquant une direction avec son stylo. « Asseyez-vous là, on va vous appeler. »

Nous nous installons sur des bancs métalliques, inconfortables et froids. Le temps semble s'étirer interminablement, chaque minute un peu plus lourde que la précédente. Autour de nous, d'autres familles attendent, les visages marqués par l'angoisse. On entend des conversations qui se croisent, des prières murmurées, des soupirs de frustration. Les murs, tachés et défraîchis, semblent témoigner des milliers de vies qui ont défilé ici, suspendues entre l'espoir et la douleur.

« Tantie Solange, est-ce qu'ils vont vraiment nous recevoir aujourd'hui ? » Je demande, la voix tremblante.

Elle me regarde avec des yeux fatigués, mais déterminés. « On doit espérer, ma fille. Ici, c'est la seule chance qu'il a. Mais tu sais comment c'est... sans argent ou quelqu'un de bien placé, c'est compliqué. »

Les heures passent, et Marc Arthur s'enfonce un peu plus dans son fauteuil. Il respire difficilement, chaque souffle semblant être un effort surhumain. Je prie en silence, suppliant Dieu de ne pas nous abandonner. Je me souviens des jours où nous rigolions ensemble à l'école, où Marc Arthur était plein de vie, un leader naturel. Voir cet enfant fort et plein de promesses réduit à cette ombre m'arrache le cœur.

Les deux jours suivants ne sont pas plus cléments. Malgré les efforts de Tantie Solange, les pleurs et les demandes, l'argent déjà versé n'a servi qu'à remplir des papiers. Chaque matin, on nous dit d'attendre encore un peu, que le médecin arrivera bientôt. Mais « bientôt » semble être un mot qui ne signifie plus rien ici. Marc Arthur ne dit rien, il ne se plaint pas. Peut-être sait-il déjà ce que nous refusons d'admettre.

Chaque soir, nous rentrons chez Tantie Solange, épuisés, les corps et les cœurs lourds. Et chaque matin, nous revenons, avec l'espoir fou que, cette fois-ci, ce sera la bonne. Mais au fond, une petite voix me murmure que l'espoir s'amenuise, et que le temps nous échappe.

DJOROKAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant