La Kermesse de l'Espoir

5 1 0
                                    


Le lendemain, je me réveillai avec une détermination nouvelle, malgré la nuit blanche que j'avais passée. La chaleur d'Abidjan n'avait rien perdu de son intensité, mais cette fois, elle ne me semblait plus aussi accablante. Peut-être était-ce l'idée que j'avais un plan, une mission à accomplir, qui me donnait l'impression que le soleil me défiait moins.

Je savais que l'heure n'était plus aux lamentations. Trois millions de francs CFA... Un montant qui, la veille, me paraissait insurmontable, était désormais devenu mon objectif, ma raison d'être. Il n'était plus question de céder au désespoir. Il fallait agir.

Je passai la matinée à courir entre les maisons du quartier, à parler aux voisins, aux commerçants, à quiconque pouvait entendre mon appel à l'aide. J'expliquai la situation de Marc Arthur, la gravité de son état, et la somme d'argent nécessaire pour son traitement. Je fis le tour des boutiques, sollicitant des dons, des marchandises, n'importe quoi qui pourrait servir pour la kermesse que j'avais décidé d'organiser.

Lorsque je parlais aux gens, je sentais mon cœur se serrer à chaque fois que je voyais une lueur de pitié dans leurs yeux. Ils voulaient tous aider, je le savais, mais ils étaient eux-mêmes pris dans leurs propres luttes. Pourtant, malgré tout, les réponses furent plus positives que je ne l'aurais imaginé. La solidarité qui existait dans notre quartier était bien plus forte que ce que j'avais cru.

En fin de matinée, je me rendis chez Aïcha, ma meilleure amie du quartier. Nous étions en vacances, et les journées nous appartenaient. Ensemble, nous parlâmes de l'idée d'organiser une kermesse et un tournoi de football pour lever des fonds. À ma grande surprise, Aïcha fut immédiatement partante. Elle connaissait Marc Arthur, elle savait ce qu'il endurait, et l'idée que cela puisse arriver à l'un de nous la touchait de près.

"Aïcha, on peut le faire," lui dis-je avec une conviction renouvelée. "On va réussir à réunir l'argent, j'en suis sûre."

Ses mots résonnèrent en moi comme une promesse. Nous passâmes les heures suivantes à aller voir les autres enfants du quartier. Ensemble, nous planifiâmes chaque détail, chaque stand, chaque match. Les parents furent également mis à contribution. Les mamans promirent de préparer de la nourriture pour les stands de restauration, tandis que les papas s'occuperaient des équipements nécessaires pour le tournoi de football. Même quelques grands frères et sœurs, habituellement plus intéressés par leurs propres vacances, se joignirent à nous pour aider.

Le jour de la kermesse arriva plus vite que je ne l'aurais cru. Le quartier avait été transformé pour l'occasion : des banderoles colorées pendaient entre les maisons, des ballons flottaient au vent, et l'odeur alléchante de la nourriture s'échappait des marmites. Le terrain de football, habituellement désert en dehors des matchs improvisés entre amis, grouillait d'activité.

Les premières heures furent un tourbillon de rires, de cris, de ventes et d'encouragements. Les gens affluaient, curieux, amusés, et surtout désireux de contribuer à la cause. Je courais d'un stand à l'autre, m'assurant que tout se passait bien, que rien ne manquait. Chaque fois que je voyais un billet passer d'une main à l'autre, mon cœur se gonflait d'espoir.

Puis vint le moment où, épuisée, je m'assis un instant sur un banc, observant le tournoi qui battait son plein. C'est alors qu'un homme s'approcha de moi. Je le reconnus immédiatement : c'était un ancien élève de notre collège, devenu un entrepreneur respecté. Il me tendit une enveloppe.

"Maureen," dit-il doucement, "je sais ce que tu fais pour Marc Arthur. C'est admirable. Voici ma contribution."

Mes mains tremblaient en prenant l'enveloppe. Lorsque je l'ouvris, les billets qui y reposaient semblaient presque irréels. Je levai les yeux vers lui, les larmes me brouillant la vue.

"Merci... Merci infiniment," balbutiai-je, incapable de trouver d'autres mots.

Il me sourit, une expression de tendresse dans le regard. "Tu es une fille courageuse, Maureen. Ne lâche rien."

Et puis, il s'éloigna, me laissant seule avec cette somme d'argent qui, je le savais, ferait toute la différence. Mais à cet instant, alors que je regardais l'enveloppe, un étrange sentiment de malaise s'installa en moi. Une partie de moi savait que, malgré tout, les défis n'étaient pas terminés. Cette victoire était douce, certes, mais elle était aussi fragile.

Je relevai la tête et regardai autour de moi. Le tournoi de football était sur le point de s'achever, et la kermesse touchait à sa fin. Nous avions réuni une somme considérable, plus que ce que j'avais osé espérer. Mais, au fond de mon cœur, je sentais que le véritable combat, celui pour sauver Marc Arthur, ne faisait que commencer.

DJOROKAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant