L'Annonce

0 0 0
                                    

Les jours passaient, lents et pesants, mais aucune nouvelle de Marc Arthur n'arrivait. Le temps des vacances scolaires, qui d'habitude était synonyme de liberté et de légèreté, était devenu un véritable calvaire. Dès que je me réveillais, une seule pensée m'obsédait : savoir ce qui était arrivé à Marc Arthur. L'attente était insupportable.

Je retournais sans cesse au CHU de Cocody, espérant trouver Tantie Solange ou Tonton François, mais ils étaient introuvables. Chaque visite se terminait de la même manière : je restais assise des heures durant, à observer les patients aller et venir, dans l'espoir d'apercevoir son visage, ou même d'entendre son nom être prononcé. Mais rien. Le vide total.

Déterminée à ne pas rester dans l'ignorance, je décidai d'aller chez ses parents. Je parcourais les rues familières avec une boule au ventre, priant pour avoir enfin des réponses. Mais là encore, personne. La maison semblait figée dans le temps, vide de toute présence. Ce silence me glaçait le sang.

Les jours se transformèrent en semaines, et avant que je ne m'en rende compte, les vacances étaient presque finies. J'avais passé tout ce temps à errer entre l'hôpital et la maison de Marc Arthur, à la recherche de la moindre information, sans succès. L'incertitude me rongeait. Je commençais à me demander si ma présence aurait pu changer quelque chose. Peut-être que si je n'avais pas quitté la salle d'attente ce soir-là, submergée par la douleur de le voir souffrir, j'aurais su ce qui s'était passé.

Et si... Et si ma fuite avait été une erreur ? Peut-être que si j'avais eu la force de rester, j'aurais appris quelque chose ce jour-là. Peut-être que j'aurais pu être là pour lui, comme je l'avais promis dans mes prières. Mais maintenant, tout ce qu'il me restait, c'était des doutes et des questions sans réponse. L'idée qu'il puisse être mort me traversa l'esprit, mais je la repoussais immédiatement. Je ne pouvais même pas y penser.

Un après-midi, alors que je rentrais encore une fois sans la moindre nouvelle de Marc Arthur, mon père frappa doucement à la porte de ma chambre. Son visage, habituellement ferme et inflexible, portait cette fois une expression différente, presque triste, mais avec une détermination palpable.

« Maureen, il faut qu'on parle », dit-il en s'asseyant à côté de moi. Ses yeux me fixaient, cherchant à capter mon attention.

Je posai mon livre, sentant que quelque chose d'important allait être annoncé. « Qu'est-ce qu'il y a, Papa ? »

Il prit une profonde inspiration avant de répondre. « Nous avons pris une décision concernant ta scolarité. Tu vas partir à Dabou, pour continuer tes études dans un internat des sœurs. »

Le silence tomba lourdement dans la pièce. Dabou ? Un internat ? Les mots tournaient dans ma tête, mais je n'arrivais pas à les aligner. L'idée de quitter la maison, de partir loin de tout ce que je connaissais, me semblait irréelle.

« Pourquoi ? » demandai-je finalement, ma voix trahissant la confusion qui m'envahissait.

Mon père croisa les mains sur ses genoux et me regarda longuement avant de répondre. « C'est une opportunité pour toi, Maureen. L'école des sœurs à Dabou est très réputée. Là-bas, tu auras une meilleure éducation, un cadre strict qui te permettra de te concentrer sur tes études. C'est important pour ton avenir. »

Je baissai les yeux, cherchant mes mots. « Mais... c'est si loin. Et Maelys ? Tantie Alice ? Je ne les verrai plus aussi souvent. »

Mon père hocha doucement la tête. « Je sais que c'est difficile, mais il faut que tu penses à ce qui est le mieux pour toi. L'internat te préparera pour la vie, pour les défis que tu devras affronter plus tard. »

Ma gorge se serra, et je sentis les larmes monter. « Et Marc Arthur ? Comment vais-je savoir ce qui lui est arrivé si je pars aussi loin ? »

Il soupira, sa main trouvant la mienne pour la serrer doucement. « Maureen, je sais que tu es inquiète pour lui, mais tu ne peux pas te laisser envahir par ça. Parfois, dans la vie, il faut accepter de ne pas tout savoir, de ne pas avoir toutes les réponses. »

Ses mots résonnaient en moi, mais je n'étais pas prête à les accepter. Je savais que mon départ signifiait laisser derrière moi bien plus que de simples souvenirs. C'était laisser une partie de moi-même, une partie de mon histoire.

Plus tard, ce soir-là, alors que j'essayais de digérer cette nouvelle, Phillip entra dans ma chambre, son téléphone à la main. Il avait ce sourire en coin, celui qu'il avait toujours lorsqu'il s'apprêtait à me taquiner.

« Hé, petite sœur, j'ai entendu dire que tu pars te faire éduquer par les sœurs », dit-il en s'asseyant à côté de moi. « On va te faire devenir une petite religieuse ou quoi ? »

Je lui lançai un regard mi-amusé, mi-irrité. « Phillip, c'est sérieux. »

Il hocha la tête, mais son sourire ne faiblit pas. « Oui, je sais. Mais je voulais te montrer quelque chose. Regarde ça. »

Il me tendit son téléphone, et à l'écran, des images de Dabou commencèrent à défiler. Les paysages verdoyants, les petites rues paisibles, et l'immense bâtiment de l'internat, entouré d'arbres imposants.

« Voilà où tu vas aller, Maureen. C'est un endroit différent, mais ça ne veut pas dire que ce sera mauvais. Qui sait, tu pourrais même aimer ça. »

Je regardai les images, essayant de me projeter dans ce nouvel environnement. C'était beau, c'est sûr, mais cela me semblait si étranger, si loin de tout ce que je connaissais.

« Tu dis ça comme si c'était facile », murmurai-je.

Phillip sourit, cette fois avec plus de tendresse. « Rien n'est jamais facile, Maureen. Mais tu es forte. Tu vas t'en sortir, tu vas grandir, et quand tu reviendras, tu seras une Maureen encore plus incroyable. »

Je secouai la tête, un sourire triste aux lèvres. « C'est ça, si je ne deviens pas une 'petite religieuse' comme tu dis. »

Il rit doucement et m'ébouriffa les cheveux. « Ne t'inquiète pas, tu resteras toujours ma petite sœur. Et je serai toujours là pour te taquiner, même à distance. »

Malgré son humour, je ne pouvais ignorer la tristesse qui pesait sur mon cœur. L'idée de partir à Dabou, de quitter ma famille, mes amis, et surtout l'incertitude concernant Marc Arthur, me terrifiait. Mais au fond de moi, je savais que ce départ était inévitable. Il marquait le début d'un nouveau chapitre, un saut dans l'inconnu.

La nuit suivante, je restai éveillée longtemps, repensant à tout ce que Phillip m'avait dit, à tout ce que ce départ impliquait. L'idée de commencer une nouvelle vie à Dabou, aussi effrayante soit-elle, commençait lentement à s'incruster en moi. C'était peut-être ce qu'il me fallait, une nouvelle perspective, un nouvel environnement pour découvrir qui j'étais vraiment.

Mais pour l'instant, tout ce que je pouvais ressentir, c'était une profonde mélancolie. Une tristesse à l'idée de laisser derrière moi une partie de ma vie, de dire adieu à tout ce qui m'était familier. Le poids de ces adieux silencieux m'accompagnait partout, et je savais que je ne pourrais jamais vraiment l'oublier.

DJOROKAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant