PAPILLON

Prologue

Newark, New Jersey.
Le 21 janvier 1999.

À cette période, sur la côte est des États-Unis, le temps glacial gèle tout sur son passage : les fleurs, les arbres, les buildings, mais aussi le cœur des gens.

À chaque coin de rue, nous pouvions voir les visages aigris et maussades des habitants de Newark en plein hiver. Les psychiatres appellent cela la dépression saisonnière. Mais ce ne sont pas les sentiments que cette mère de famille éprouve ce jour-là. Alors qu'elle marche en direction de la salle des berceaux dans la grande clinique, son cœur palpite et son esprit est aux anges.

C'est avec une immense joie que Sabina Davis prend le premier de ses deux nouveau-nés dans ses bras. Elle est là, debout et encore faible par les complications de l'accouchement, mais c'est le cadet de ses soucis. Son visage s'illumine quand elle voit son fils pour la première fois.

Elle le fixe avec des yeux remplis d'amour et lui murmure une berceuse à l'oreille.

— Bonjour Éric. C'est maman, dit-elle d'une voix réconfortante.

Le bonheur qu'elle ressent en portant pour la première fois son second fils est indescriptible. Elle l'embrasse sur le front et le repose dans son berceau.

Son regard se pose sur le deuxième bébé dans le berceau d'à côté. Sans qu'elle le contrôle, une larme roule sur sa joue. Son cœur palpite en voyant sa première petite fille gigoter et geindre dans tous les sens.

— Maman est là maintenant, ma petite Eden, dit-elle en prenant le bébé dans ses bras. "Toi et ton frère êtes voués à de grandes choses, j'en suis certaine."

***

2 juin 2022, Brooklyn, NY.

La musique assourdissante résonne dans la boîte de nuit, ébranlant les tympans des fêtards qui y sont encore présents. Des souffles déchaînés et des voix éraillées se mêlent sur la piste de danse. Les gouttes de sueur et les verres à moitié vides qui se renversent sur le sol sont autant d'obstacles pour se frayer un chemin dans la foule.

Eric observe la foule déchaînée en face de lui, sirotant son verre depuis sa place sur l'une des tables VIP du deuxième étage. Son T-shirt blanc est éclairé par les néons, mais son visage reste sombre, comme les idées qui le traversent en ce moment précis.
Soudain, une flamme jaillit et éclaire le côté droit de son visage. Le bruit d'une cigarette qui se consume bourdonne à ses oreilles.

— Alors, tu es partant ? résonne une voix rauque à côté de lui.

Il se tourne vers son interlocuteur et soupire profondément.

— Est-ce que j'ai le choix ? demande-t-il avec ironie.

L'homme à côté de lui le fixe impassible. Son visage est dur et ne présage rien de bon. Mais Eric est sûr de lui. Rien ne l'arrêtera. Tout fonctionnera comme prévu... Tout est prévu, le plan est construit. Il n'y a plus de retour en arrière possible.

Néanmoins, son cœur se serre. Soudain, une
sensation d'incertitude lui tord les entrailles. C'est de la peur. Une peur qui lui est propre.

— J'ai une condition... sa voix est presque suppliante. Un sentiment de culpabilité lui pince le cœur.

Le mystérieux brun hoche doucement la tête, une cigarette toujours placée entre ses lèvres pleines.

— Promets-moi de protéger ma sœur, quoi qu'il arrive.

— Eden aura ma protection, je te le promets.