15. NEW YORK SANS LE NOUS

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[FLASHBACK]
31 déc. 2014.

EDEN

Mes bottines claquent sur le pas de la porte. La pluie a été incessante aujourd'hui, jusqu'à s'infiltrer dans mes chaussures usées qui comportent quelques trous à la hauteur du talon. J'ai bien essayé de les rafistoler avec de la pâte à fixe, mais rien n'y fait.

Je pose mes vieilles converses juste à côté de la nouvelle paire de Jordan de mon grand frère dans le meuble en bois coulissant à côté de la porte d'entrée. La maison à l'air vide. Éclairée par la grisaille de la ville, chacune des pièces est entourée par tous nos rideaux, blanc transparent.

Je jette un léger coup d'œil sur ma droite, toujours sur le pas de l'entrée. Le séjour est vide, néanmoins cette pièce vert pivoine laisse jaillir une légère odeur de tabac froid. J'en viens même à humer mes propres cheveux par peur que l'odeur émane de moi.

Je fume toujours les cheveux attachés et j'ai toujours un paquet de chewing-gum sur moi.

Afin d'éviter que ma mère fasse un infarctus bêtement en apprenant mon addiction à la nicotine et que mon père me provoque lui-même un infarctus bêtement. Rigole tant que tu le peux...

— Maman ?! Appelé-je en me dirigeant vers la gauche.

La salle à manger est vide et la cuisine aussi.

Maintenant en haut des escaliers, je m'affaire à mon passe-temps favori depuis que YouTube est devenu le plus gros réseau de notre siècle.

Les tutos de maquillage.

Ce soir, c'est le Nouvel An et ma copine Jennifer organise l'une des plus grosses soirées du siècle. Tout le bahut sera là et j'ai même réussi à convaincre Eric de m'accompagner. Je n'aime pas cette idée, mais selon les dires de maman ; « Je serai plus soulagée si ton frère vient avec toi »

Être une fille... Qui m'a envoyé, sérieusement ?

Ma chambre au couleur pourpre est dans un foutoir pas possible. Entre les gants de boxe à même le sol, les bandes de rouleaux adhésifs qui ont remplacé mes cahiers de cours sur mon bureau et mes robes bon marché sur mon lit, je n'y vois plus rien. J'ai essayé toute ma garde-robe hier et je suis heureuse de m'être trouvée très jolie dans ma petite robe violette, bustier et bouffante au niveau des hanches.

Après m'être maquillée modestement, même si ma main avait encore envie d'ajouter une pléthore de couleurs sur mes paupières, je décide de me faire deux petites couettes dans les cheveux et de laisser le reste de ma masse brune ondulée à l'air libre.

J'adore mes cheveux, si bien que j'y ajoute toujours quelques barrettes depuis mon enfance pour attirer le regard sur eux. Ils sont extrêmement épais et en bonne santé.

Je pince un petit papillon de la même couleur que ma robe juste à l'encontre de mon oreille. Puis, devant le miroir de ma coiffeuse, je me regarde longuement avant de prononcer solennellement :

— Tu es jolie Eden.

Je ne retiens pas le fait de paraître conne si des yeux inquisiteurs venaient à m'entendre prononcer cette phrase à moi-même, mais... personne ne me le dit, même pas mes amies alors... Je veux bien devenir celle qui me rassure et ne pas toujours être celle qui me juge.

En sautant sur mon lit, j'ai une envie de m'y affaler et de rester avec mes écouteurs sous ma couette afin de m'aventurer dans une nouvelle vie rien qu'à l'aide de mon imagination ou bien même regarder le dernier épisode des Kardashian sur E.

Comment peut-on passer d'un « oh, mon dieu, j'ai trop hâte » à « Pourquoi j'ai dit oui » aussi vite...

Je sais comment cette fête va se présenter et j'en ai déjà la nausée. Toutes les filles auront chaussures à leurs pieds et l'attention qu'elles veulent de la part des garçons de mon collège et puis moi, je me retrouverai dans un coin muni de mon verre de coca en me demandant pourquoi ai-je fait tant d'efforts pour rien ?

PAPILLONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant