28. RENCARD IMPROVISÉ

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28 janv. 2023.
1 semaine plus tard...
Bronx, NY

PIETRO

Un son confus me tire de mon sommeil profond. Mes volets partiellement fermés laissent passer quelques rayons de soleil couvert par la grisaille. Mon corps semble lourd en me redressant de mon lit. Mes mains viennent frotter mes yeux endoloris par la fatigue avant que le même bruit ne vienne rompre le calme de mon appartement.

— Ouvre-moi !

Mon dos cogne contre mon matelas avant d'extirper l'air dans mes poumons. La fatigue me foudroie encore quand Gabrièle hurle une nouvelle fois derrière la porte d'entrée.

Je me lève avec peine en étirant mes muscles raides. Les yeux demi-clos en arrivant dans mon salon, l'odeur des nouilles prise hier soir au restaurant chinois de l'angle me donnent l'envie de gerber. Elles sont encore sur la table dans leurs malheureux bacs en aluminium, tenant compagnie à mon arme et la serviette avec laquelle j'ai essuyé le sang de mes phalanges la nuit passée.

J'interprète la silhouette de Gab par-dessus le judas. Il grelotte avec son simple survêtement gris clair et ses cheveux mouillés par la pluie lui tombe sur son visage.

— Per favor Pietro, apri la porta (s'il te plaît Pietro, ouvre la porte).

Je soupire en me résignant au fait qu'il est bien seul. En lui ouvrant, ses yeux rouges témoignent de ses larmes sur la route pour venir jusqu'ici. Son téléphone est serré contre sa main et il vibre sous plusieurs tonalités.

Niccolo n'est pas au courant de sa fugue.

— Tu as hacké ma géolocalisation petit con ? Lui craché-je

Sans ciller, il pousse mon épaule et entre dans mon appartement comme s'il y était invité. Ses yeux survolent le séjour obscur sous les volets fermés. Je ne les ouvre jamais, simplement pour passer dans la cage d'escalier quand l'envie de nicotine me prend.

La lucidité me frappe quand sa bouche se tord en longeant mon torse dévêtu. J'attrape mon T-shirt de la veille posé sur le rebord du plan de travail de la cuisine et l'enfile.

Il détourne les yeux comme si regarder mes cicatrices était douloureux. Je sais que ses bras, cachés sous ses manches longues même en plein été, regorgent eux aussi d'ecchymoses.

Mais il n'a eu besoin de personne pour les avoir.

— C'est... petit. Pourquoi tu as quitté le penthouse d'Alfonso ?

Il a toujours eu la manie de ne jamais l'appeler « père ». Je ne peux pas le blâmer. Les donneurs de sperme pour insémination n'ont pas à être appelés par ce nom trop familier. Pour Alfonso c'est un peu le même principe.

Je suis resté au penthouse 2 semaines à tout casser. Je voyais les putes qui se multipliaient dans la chambre de mon oncle et l'entendre balbutier à longueur de journée que si je n'étais pas le fils de mon père, les conséquences auraient été autres pour moi était franchement barbant et redondant.

Je me suis installé dans le Bronx sous la permission de mon père. Papa savait à quel point j'ai toujours eu besoin d'isolement et de calme. Il ne m'a rien refusé et a laissé couler les 8 ans dans lesquels je ne faisais rien pour lui attribuer la troisième partie de triangle. Alfonso me surveillait sans rien dire, car j'ai toujours été sous la protection du parrain.

Papa aurait dû me tuer après le meurtre que j'ai commis. Je les ai suppliés, mais son amour pour moi malgré tout m'a condamné. Mes cicatrices et ma foi en l'humanité peuvent en témoigner. Parfois, je songe à la mort comme une paisible berceuse qui me donnerait enfin le répit que je convoite depuis ma venue au monde.

PAPILLONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant