20. DEPUIS TOUT CE TEMPS

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02 mai 2022.
New York, NY
23h45

PIETRO

Mon marque-page maintenant placé au milieu de mon livre, je soupire à pleins poumons en m'obligeant à refermer le bouquin, m'empêchant ainsi de lire une autre ligne de ce récit rocambolesque.

La Fantaisie n'est pas bénéfique pour un rêveur.

On s'y projette en sachant pertinemment qu'un monde rempli d'elfes et de magiciens n'existera jamais.

Non... Sur ce banc en plein milieu de Central Park, mon regard ne croise pas celui d'un vampire, mais bien ceux de deux écureuils en pleine bataille de territoire. L'un d'eux est muni d'un gland, convoitise de son adversaire devant lui.

— Je mets 20 balles sur Tac à droite, lance la voix à mes côtés.

— Conclus, réponds-je simplement.

Mon dos cogne lourdement sur le dossier de ce banc froid. Cette nuit de pleine lune offre un léger voile de nuage assombri par la pénombre. Le vent frappe et hérisse les poils de mes bras. La tête braquée vers le ciel, j'ai l'impression de peser lourd rien que par toutes les pensées qui tarissent dans ma tête.

Cette allure lugubre, même en plein mois de printemps, miroite cette ville qui ne dort jamais. L'air que l'on respire ici, perverti, corrompt chaque individu marchant dans ces rues vides de sens.

Je n'ai jamais aimé New York, je ne m'y sens pas à ma place. En creusant au bas fond de ma vie, je ne pense avoir ma place nulle part.

La solitude m'a forgé autant qu'elle m'a détruite.

Pourtant, sur ce banc en plein Central Park, la chaleur apportée par la silhouette de Eric Davis à mes côtés me donne un semblant d'espoir. Comme une corde tendue au fond du puits que les années ont creusé pour moi.

— Aboule le fric ! Ton Tac a perdu.

Un sourire apparaît sur mon visage en prenant mon portefeuille dans la poche arrière de mon jeans.

— Le mien c'était Tic.

— Peu importe, je vais m'offrir un bon bagel, supplément cream cheese avec ton pognon.

La main tendue vers lui, je peux entrevoir encore ses yeux brillants par les larmes qu'il a laissées couler ce soir.

Il prend le billet et essuie ses yeux comme si de rien n'était.

4 mois que son frère est mort aujourd'hui.

Un pincement au cœur m'étreint avant de détourner les yeux.

— Ta mère ne veut toujours pas te voir ? Lui demandé-je.

Très vite, je regrette ma question peu importune suivant son état. Il me répond simplement non en haussant les épaules brièvement.

Eric a toujours été optimiste dans la vie. Bien que pour certains, cela équivaut à une qualité honorable, je ne suis pas de cet avis.

À force de croire, on risque de tomber encore plus bas.

Il s'assure que sa mère lui pardonnera d'être entrée dans la pègre et qu'il trouvera l'opportunité de tout lui raconter un jour.

J'ai l'impression d'avoir pris la pire décision de ma vie et pourtant, c'était la plus juste.

— Ton pote Tahar est en retard, lui rappelé-je dans l'espoir de changer cette atmosphère lourde.

— Ouais... Il ne te fait toujours pas confiance. Tu es un Predetti après tout.

PAPILLONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant