PAPILLON

2.15. ALCOOL ET SENTIMENTS

EDEN

— C'est ma dernière, fais-je en tâchant de garder ma lucidité. Sinon, je vais vomir. 

Ma vue est obstruée par les grammes d'alcool que j'ai ingéré.

Je crois que la première bière, je l'ai bue pour Bones et mon indifférence face à la mort de cette personne à l'immuable gentillesse. C'était le plus effacé et le moins vicieux de nous tous. 

Si la vie devait nous souffler qu'une seule parole, je pense qu'elle nous dirait qu'elle est injuste. Les questionnements et les larmes seraient drastiquement atténués si cette réponse gisait dans notre tête à chaque moment fortuit. 

Je suis retourné dans le garage après que Pietro soit parti. La nuit est tombée et je me suis très vite retrouvé en compagnie des Crawford et de Luca.

Ce dernier me tend une autre bière après l'avoir décapsulée avec ses dents. J'ai la bouche tombante en examinant la probabilité que ses canines sont bien restées à leur place. En regardant la mousse frétiller au-dessus de mes narines, je me dis que c'est peut-être une mauvaise idée.

Je suis triste et même si noyer un chagrin dans l'alcool n'a jamais été une pratique chez moi, maintenant, j'en viens à comprendre le réconfort que mon père avait en se servant un verre dans le vieux pub où il créchait après mon accident.

Accident... non.

Après que mon paternel ait essayé de me tuer.

Je bois une gorgée. J'en bois quatre à la suite. 

— Tu fais de la moto alors ? Je demande à Luca, en flairant le regard de Vickson, démanger mon épaule droite.

— Ouais, le père Crawford m'a appris quand je suis arrivé chez eux.

Abraham Crawford était leur ancien leader. Andréa l'a fait tuer par un mec, il y a de ça quelques semaines. Maintenant, leur nouveau chef, son fils, est en cavale à cause d'une histoire de meurtre qui s'est ébruitée dans leur petit patelin du nom de Belfort.

Ce qui fait qu'il ne peut pas se venger lui-même. C'est donc Vickson qui est venue. C'est le bras droit du nouveau chef de leur gang ou plutôt son frère sans lien de sang. Tous les mecs qui rejoignent ce gang deviennent automatiquement des Crawford. J'en déduis qu'ils sont pratiquement tous orphelins.

Ou peut-être qu'ils ont des familles à chier comme la mienne.

— Little Crawford... Le nom de votre chef est vraiment à revoir. La dernière fois que j'ai entendu le mot « Little » dans un blase, c'était pour une souris.

Les voire tous rirent après ma blague empourpre mes joues déjà chaudes par l'alcool. Little Crawford est vue comme la personne la plus effrayante de leurs patelins. Personne, à part les Craw, n'a jamais vu son visage.

— Il ne divulgue pas son nom. Arrête de vouloir fouiner, on ne te le dira pas, raille le blondinet du nom de Weston.

Tous avachi sur leurs motos, Vickson m'a laissé le plaisir de m'assoir sur la sienne. Le cuir sent encore le neuf et parfois, je m'amuse avec le guidon quand ils ne se préoccupent plus de moi et partent dans des conversations que je ne comprends pas.

Baloo, le grand gaillard boit sa bière d'une traite. Je ne l'ai pas entendue de la soirée. Il paraît très froid et plutôt détaché. On dirait qu'il a dix ans de plus que les trois autres et ses tatouages me pincent le cœur quand je repense à Bones avec les mêmes traits tribaux sur ses bras.

— Tu devrais dormir un peu ma belle... Niccolo va me tuer quand il te verra avec nous.

— Niccolo me soule. Enfaite, ils me soulent tous.