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Je suis là, plantée au bord de la route, dévorée par l'abandon. Il m'a foutue en plan, tout simplement. Espérant qu'il revienne sur ses pas pour me récupérer, je m'assois, mais les minutes passent sans qu'aucune voiture ne se pointe. Une anxiété me prend, je sens ma jambe trembler frénétiquement. Mon cœur cogne dans ma poitrine, et c'est à ce moment-là que je réalise qu'il m'a laissée en plan à des kilomètres de là, en plein cœur de l'Irlande. Les yeux embués de larmes, une boule nouée dans la gorge, je me demande ce que j'ai bien pu faire pour mériter ça. Tout se passait pourtant bien aujourd'hui.

- Putain, ça me fout les boules ! Je hurle sans pouvoir me retenir. Je prends mon sac à dos et je me mets à longer la route. Cette fois, la colère l'emporte sur la tristesse.

- Je suis vraiment conne, bordel ! Ouais, Brook, comme s'il avait seulement une once de sentiment pour toi. Je me sens tellement humiliée. Est-ce qu'il s'amusait juste à me laisser en rade, loin de tout, histoire de se distraire pendant ses vacances ? Finalement, je ne sais même pas pourquoi je suis étonnée de cette situation.

Je soupire et mes yeux se remplissent de larmes. Je m'appuie contre le mur de pierre, laissant mes émotions s'exprimer à travers des sanglots. J'essaie de reprendre mon souffle, mais rien n'y fait. Mes oreilles sifflent, ma vision se brouille, et je peine à me tenir debout. Je m'effondre, submergée par des vagues de nausée. Je tremble comme une feuille, pris d'une panique incontrôlable. Je suis en nage, et impossible de me calmer.

Soudain, une voiture s'arrête devant moi. Incapable de relever les yeux vers le conducteur, mes oreilles bourdonnent et je me sens carrément au bord de l'évanouissement. Une main chaude se pose sur les miennes, et des yeux se placent à ma hauteur.

Une voix à peine audible me demande si ça va, mais aucun son ne sort de ma bouche. Les mains se déplacent sur mon visage, me tenant fermement.

- Respire avec moi. Inspire pendant cinq secondes, bloque pendant cinq secondes, puis expire pendant les cinq suivantes. Allez, fais-le avec moi.

Je reconnais la voix de Cole et j'essaie de suivre ses indications. Après un temps qui me semble interminable, ma respiration revient peu à peu, mes sens reprennent le dessus. Mes membres se relâchent, mais une fatigue indescriptible m'envahit. C'est alors qu'il me soulève par-dessous les cuisses.

- Passe ton bras autour de ma nuque, d'accord ? Je vais te porter jusqu'à la voiture.

C'est ce qu'il fait, me déposant sur le siège passager. Toutes émotions ultérieures semblent s'être évanouies. Je tremble encore et mes pensées sont floues. Une gêne grandissante m'envahit, liée à ma dépendance vis-à-vis de Cole.

Il démarre et fait demi-tour. Après quelques minutes de silence, il finit par me demander comment je me sens. Pour une raison inconnue, une vague de tristesse m'envahit, et je me colle contre la fenêtre pour éviter qu'il ne voie mes larmes. Sa main se pose sur ma cuisse et je la repousse brusquement.

- Je voulais juste m'assurer que tu allais bien, tu ne dis rien depuis au moins 30 minutes.

Je le regarde, furieuse, puis me tourne à nouveau vers les paysages qui défilent. Je n'ai absolument aucune idée de ce qui vient de se passer, je suis perdue. J'entends Cole soupirer plusieurs fois à cause de mon silence. Comme si j'avais envie de lui parler après m'avoir abandonnée. Et d'ailleurs, pourquoi est-il venu me chercher ? Et surtout, qu'est-ce que je fais dans cette voiture, à côté de lui ? Je dois m'éloigner, mais comment ? Il est toujours là, sans parler du campus qui est désert. Tous les étudiants sont rentrés chez leurs parents. Et mon père, va-t-il se réveiller ?

Ma vision se brouille à nouveau, ma respiration devient irrégulière, et des vagues de sueurs froides me submergent. La voiture s'arrête brusquement.

- Brook, respire comme je t'ai dit, avec moi, d'accord ? Il se détache et pose sa main sur mon cœur. Je suis ses conseils et commence à me calmer. Affolée, je lâche :

- Bordel, qu'est-ce que c'est que ça ? Cole me regarde, l'expression peinée.

- Ce sont des crises d'angoisse. Tes sens sont en alerte maximale pour fuir un éventuel danger. Je laisse échapper un soupir.

- Mais pourquoi ? Réponds-je, toujours un peu essoufflée.

- Les raisons sont complexes. Respire profondément et tiens. Il me tend une bouteille d'eau que je m'empresse de boire.

- Je peux redémarrer ? J'acquiesce silencieusement et essaie de faire le vide. Une crise d'angoisse ? J'avais déjà lu des livres où cela était évoqué, mais je n'en avais jamais fait l'expérience concrète. Comment Cole est-il au courant ? En a-t-il déjà vécu ? Je m'apprête à lui poser la question, mais finalement, je me retiens. Malgré le fait qu'il soit revenu me chercher et qu'il m'ait aidée, je suis en colère contre lui. Si l'on met de côté cette considération, je dois avouer que je me sens rassurée de rentrer à ses côtés. C'est étrange de se contredire ainsi. Ces derniers temps, j'ai l'impression de me battre contre toutes mes émotions, et c'est épuisant mentalement. Cette lutte incessante me draine. Jamais je n'aurais imaginé une rentrée scolaire pareille, sans ma "meilleure amie" et Ayden, et avec mon père plongé dans le coma.

Mon cœur commence à battre violemment dans ma poitrine, alors j'essaie de refaire l'exercice de respiration recommandé par mon chauffeur, ce qui a un effet apaisant lent mais certain.

Mes paupières deviennent lourdes, et je me laisse doucement tomber contre la portière, épuisée.

The boy I met in CorkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant