39. Promesse

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Dans la nuit la plus obscure et la plus totale, Hedy se tournait encore et encore, le cerveau embrumé. Elle était restée là bas, avec Gally, près de l'arbre, paralysée dans cet instant qui lui avait paru magique. Elle poussa un soupir et se passa la main sur le visage, agacée par le flux de ses pensées qui ne s'arrêtait pas. Le sommeil ne venait pas, elle ne paraissait pas réussir à l'amadouer. Grommelant une dernière fois, Hedy se redressa de sa couchette et posa ses pieds sur le sol, avant de sortir de la tente dans laquelle elle était censée dormir.

Gally jouait avec le morceau de bois qu'il avait taillé il y a quelques jours, mais, même si son corps était ici, couché, son esprit, lui, était ailleurs. Par ailleurs, le jeune homme entendait près de Hedy, couchée près d'elle, ses mains posés sur les hanches de son amie, le dos de cette dernière blotti contre son ventre. Il eut un sourire niais à cette image, mais revint facilement à la réalité, le cœur serré. Il entendit plus loin un bruit, dehors, et il se mit à rêver : et si c'était Hedy ? Guidé par cet espoir, il se leva, enfila son pantalon et sortit de sa tente à son tour.

Il la retrouva assise près des cendres éteintes du feu qui les avaient fait se rejoindre quelques heures auparavant et elle scrutait celles ci.

- Salut, murmura t il, avec un sourire
- Oh mon dieu, chuchota t elle, avec un léger sourire. J'espérais te voir mais je n'y croyais pas vraiment.
- Tu espérais ?
- Ne fais pas comme si tu avais besoin que je répète.
- J'en ai peut être pas besoin, mais juste envie.

Hedy eut un sourire qu'elle camoufla en se raclant la gorge.

- Tu devrais dormir, conseilla t elle
- Toi aussi
- J'y arrive pas.
- Moi non plus.

Elle lui lança un coup d'œil et croisa son regard moqueur. Elle tenta de parler, mais ne fit que balbutier quelques paroles incompréhensibles, ce qui continua de faire sourire Gally. Hedy se leva finalement, l'air troublé, mais le jeune homme attrapa sa main pour la retenir.

- Où vas tu ? demanda t il, sourcils froncés
- Marcher.
- Tu t'enfuis, donc, se moqua t il
- Pourquoi devrais je fuir ?

Il haussa les épaules et se redressa à son tour, et le duo se mit à marcher.

- Tu penses à quoi ? s'enquit Gally, après que Hedy ait failli trébucher.
- À rien de particulier. Tu sais, il fait nuit, et je ne vois pas à cent mètres.
- Moi, je vois.

Elle lui donna un coup de coude, en sifflant :

- D'accord, ô grand dieu Gally. Dois je vous prier ?
- Si tu fais ça, je crois que je serai la personne la plus heureuse au monde.
- Carrément.

Inconsciemment, Hedy les avait mené à la colline où ils se retrouvaient parfois. Elle s'assit parmi les fleurs, en soupirant : le sommeil ne paraissait toujours pas venir, malgré sa marche. Gally s'installa à ses côtés et se laissa tomber entièrement sur le sol.

- Y'a pas d'étoiles, déclara t il

A ces mots, Hedy se coucha également, les yeux rivés sur ce ciel nuageux.

- Il y en avait tous les soirs, au Bloc, lui apprit elle
- J'ai jamais remarqué.
- Tu n'es pas très observateur, voilà tout.

Il se mordilla les lèvres, les yeux plissés, et, voyant son visage, Hedy ricana.

- J'essaye de ne pas t'insulter, évite de rire, lui souffla il.
- Tu m'insultes, je te frappe.
- Tu me frappes, je te tue.
- Tu me tues, je te tue, siffla la jeune femme.
- Si tu me tues..
- On serait tous les deux morts, Gally.

Il ouvrit les yeux et croisa son regard rieur : il se laissa tenter par un petit rire.

- Dis, murmura Gally.
- Hm ?
- Tu vas me tuer ?

Hedy leva les yeux vers son ami, et se tourna finalement vers le ciel.

- Te tuer, chuchota la jeune femme. Je ne sais pas. J'y ai pas pensé je t'avoue.

Elle pinça les lèvres.

- Si ça ne tenait qu'à moi, je ne l'aurais pas fait. Mais je l'ai promis à Chuck.

Comme si le lien était brisé, Gally se releva et pivota sa tête, pour ne plus regarder la jeune femme. Cette dernière s'inquiéta, se redressa, et marcha sur les genoux pour lui faire face. Elle attrapa son visage par ses pommettes et le tourna vers elle, observant ses yeux, qui lui criaient un message qu'elle ne percevait pas.

- Ne tue pas, déclara t il.

Elle le dévisagea.

- S'il te plaît Hedy, j'ai envie de vivre. Ne me fais pas ça. Pas pour une promesse que tu ne veux plus tenir.

La réponse ne semblait pas venir, pourtant la jeune femme la cherchait encore et encore, s'affranchissant de ses peurs et objectifs. Mais son ami ne parut pas le saisir, puisqu'il s'éloigna d'elle.

- Je le savais, que je comptais pas vraiment pour toi, cracha t il, le ton mauvais, qui lui rappelait tout ces temps où ils s'étaient haïs

Sans un mot, alors, elle le vit partir, perdue entre son devoir et son envie. Hedy leva les yeux vers les étoiles, cherchant Chuck, et comprit, en voyant les astres, qu'elle s'en voudrait si elle ne respectait pas cette promesse.

Le Serpent et l'Ordure [Gally]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant