Chapitre XVIII

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 — Fuis ! Fuite ! Fuyez !

Arthur poussa un cri perçant, mais il ne parvint même pas à se relever avant de s'effondrer brutalement. Le sol, les murs, tout dans l'enceinte se mit à trembler avec une intensité terrifiante. Damien et Felix, désorientés par le tumulte infernal qui les entourait, ne parvenaient pas à saisir la gravité de la situation. Arthur continuait d'hurler, les exhortant à fuir, mais telles deux statues figées, ils restaient plantés, résolus, même si les jambes de Damien, sous l'effet du séisme, trahissaient une faiblesse perceptible.

— Je ne vais pas mourir, n'est-ce-pas ? demanda Damien, un sourire tremblotant sur les lèvres.

Arthur, se relevant avec détermination, saisit la main de ses deux amis et les entraîna vers la sortie en courant. Ils n'avaient parcouru que deux pas quand, surgissant de l'obscurité telle une vision cauchemardesque, il apparut. Le cauchemar vivant d'Arthur, l'une des créatures abominables... Un démon. Il était là, inéluctable. Il était arrivé.

Le visage d'Arthur se figea dans une terreur indicible, il s'immobilisa net, s'agenouillant presque instinctivement face à l'horreur qui se présentait devant lui. Felix et Damien, interloqués, se retournèrent pour découvrir l'origine du cauchemar qui avait figé leur ami. Ce qu'ils virent était l'incarnation de l'enfer. Non pas un, mais

une multitude de ces créatures abominables les entouraient. L'horreur était indescriptible. L'absence d'issues dans cet endroit oppressant ne faisait qu'accentuer le sentiment d'angoisse. La lumière noire projetait une aura encore plus terrifiante, et les griffes acérées de ces entités grattaient les murs, faisant trembler l'antre. Dans un bruit répugnant, les corps accrochés au plafond tombèrent un à un.

Arthur abaissa les yeux vers les corps, et une horreur indicible s'empara de lui lorsqu'il réalisa qu'Hannah, sa propre sœur, était parmi eux. Un mélange complexe d'émotions déferla en lui, créant un tourbillon de douleur, de chagrin et de terreur. Il ne voulait pas croire ce qu'il voyait, mais la réalité s'imposait cruellement à lui. Son regard vide se fixa alors sur les créatures qui les entouraient, l'effroi de la mort le terrifiant au plus profond de son être. Le cadavre de sa sœur, gisant à ses pieds, fut violemment éjecté par un coup de pied de Damien. Ce dernier posa ses mains sur les épaules d'Arthur, qui, dans un regard chargé de désespoir, put discerner les larmes silencieuses coulant sur le visage de son ami.

— On va pas mourir ! Hein ?! On est pas venu ici pour rien ! cria Damien. Allez relève toi Arthur.

Les démons s'arrêtèrent un moment puis ils commencèrent tous à courir vers les trois aventuriers. Un frisson parcourut leur trois corps. Dans un geste courageux, Damien se précipita vers Arthur, le relevant avec détermination, et tous deux commencèrent à courir frénétiquement vers la sortie, poursuivis par les créatures démoniaques.

Felix, figé par l'horreur de la vision, fut ramené brusquement à la réalité en voyant Damien courir. Une terreur intense le poussa à suivre, mais l'un des démons, souriant malicieusement, parvint à rattraper le groupe. Dans un acte désespéré, Felix se décala in extremis sur la gauche. Comprenant que la fuite à deux était impossible, Damien, dans un geste héroïque, poussa Arthur du côté de Felix. Le poing du démon atteignit Damien à quelques mètres seulement de la sortie.

Il sentit le poing du démon se rapprocher autour de lui. À cet instant, il sentit tous ses os se briser. La douleur traversa son corps. Toute l'adrénaline de la fuite avait disparu. Sa vision était sur le point de se brouiller alors qu'il voyait le visage du monstre se rapprocher, un sourire malicieux sur son visage. Il n'entendait plus les bruits autour de lui. Il n'y avait que des sons couverts en arrière-plan. Il ne pouvait pas juste se concentrer sur une seule pensée et sur la douleur lancinante. Il mourrait. À présent, il était prêt pour ça. Il savait qu'il pouvait mourir et qu'il mourrait probablement en partant dans cette mission périlleuse avec Arthur et Felix. Mais savoir que l'on peut mourir un jour et mourir réellement sont deux choses différentes. Et le pire, c'est qu'il ne lui avait rien dit. Il ne lui avait pas dit qu'il l'aimait. Il était juste un lâche stupide. Maintenant, elle ne le saura jamais.

Les larmes coulèrent sur son visage. Une voix traversa ses pensées. Leur deux voix. Il les reconnaîtrait parmi tant d'autres. Il réussit à atténuer la douleur et à se concentrer sur eux. Soudain, le démon ouvrit son poing et Felix put attraper le corps en charpie de son ami. La vue de Damien était floue. Il ne pouvait même pas

lever les yeux pour voir le visage de Felix mais il pouvait le visualiser. Le brun s'agenouilla et déposa le corps de Damien par terre.

— Ne meurs pas pour moi Damien, cria Felix. N'ose pas mourir aujourd'hui ! J'ai besoin de toi ! Je ne peux pas te perdre aussi ! Je ne peux pas vivre sans toi ! Ne me laisse pas seul ! Pitié ! Réveille-toi ! Hé, je t'ai dit que t'allais pas mourir, tu vas pas mourir ! On a encore des choses à faire.

Felix secoua son amie qui peinait à respirer.

— Vis, je t'en supplie Damien. Ne meurs pas.

À chaque mot, sa voix se fissurait encore plus. Damien utilisa toutes ses forces restantes pour ouvrir les yeux une dernière fois pour regarder les beaux visages de ses deux amis. Les coins de ses lèvres se soulevèrent un peu lorsque ses yeux rencontrent ceux de Felix.

— Je... Je ne vais pas mourir ? demanda Damien en contemplant l'état irréversible de son corps. Hein ? On va rentrer tous les trois à la maison avec... Avec Charlie. N'est-ce-pas ?

Sa voix n'était qu'un murmure. Toutes ses forces étaient parties. Lentement, ses yeux se fermèrent pour la dernière fois. Malgré les démons autour, Felix et Arthur prirent le temps d'allonger Damien sur le sol. Soudain, dans un dernier sursaut de force, Damien perçut les sanglots de ses amis, appelant son nom avec désespoir. La dernière chose qu'il put entendre fut un chuchotement déchirant : "On t'aime, Damien." Puis, tout autour de lui s'éteignit.

Les deux jeunes hommes, Arthur et Felix, restèrent assis sur le sol du champ de bataille, tenant chacun leur ami proche sans vie dans leurs bras. La détresse les submergea, des larmes sillonnèrent leurs visages alors que les souvenirs affluaient. La première rencontre, le premier repas, les premiers rires. Pendant un moment, Felix ne se soucia plus de l'avenir de son ami d'enfance. Il ne se souciait plus de rien. Il avait tant perdu dans sa vie. Et maintenant, maintenant, il l'avait aussi perdu.

Arthur se leva et prit Felix par le bras, le menant de plus vite vers la sortie. Lui aussi, il avait les larmes aux yeux. Lui aussi, il avait perdu une ami proche dans le passé et un ami proche aujourd'hui mais lui voulait vivre, peut-être un peu plus que Felix.

— Felix ! Il faut qu'on sorte de là. dit Arthur en poussant Felix en dehors de l'antre.

Arthur en sortit de justesse évitant de se faire écraser par la fermeture des portes. Le souffle court, Felix continuait de fixer la porte, ne réalisant pas que tout ce qui venait de se passer était réel. 

Crépuscule d'un Ange Déchu [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant