Chapitre XX

7 2 0
                                    

Arthur entrouvrit ses paupières, révélant un plafond gris et légèrement souillé dans l'infirmerie. Sa vision se clarifia progressivement, captant les détails de la pièce. Un soupir s'échappa de ses lèvres alors que ses yeux se posaient sur Felix, plongé dans un sommeil profond. Une tentative pour se redresser fut accueillie par une douleur lancinante, une migraine violente qui s'abattit sur lui, faisant ressentir chaque battement de son cœur dans sa tête.

— Aïe.

D'un bras affaibli, il atteignit le verre posé à sa droite et but, non sans peine. Il ressentait un manque, une sensation indéfinissable. Fermant à nouveau les yeux, il tenta de recouvrer ses esprits.

Quelques heures plus tard, toujours dans cette même salle silencieuse, Felix se réveilla à son tour. Ses premiers gestes furent similaires à ceux d'Arthur, et lui aussi fut assailli par un mal de tête atroce. Il passa ses mains dans ses cheveux, remarquant à quel point ils avaient poussé. Le temps dans cet espace-temps semblait différent de celui sur Terre. Mais qu'est-ce qui correspondait à quoi ? Combien de temps avaient-ils vécu dans ce monde parallèle ? Des questions tourbillonnaient dans sa tête. Il examina lentement ses mains, parsemées de petites coupures. Lui aussi ressentait ce manque, mais de quoi ? Arthur s'éveilla à nouveau, retrouvant Felix debout sur son lit.

Un échange de regards silencieux eut lieu, porteur de multiples significations. Ils se mordirent nerveusement les lèvres. Soudain, la porte s'ouvrit, laissant entrer une fille inconnue. Elle prit place sur une chaise face aux deux lits, croisant les jambes.

Tâches de rousseur.

Yeux marrons.

Cheveux bruns.

Jupe noire avec des collants remontant jusqu'aux genoux.

Les yeux d'Arthur s'écarquillèrent lorsqu'il comprit qui était cette fille. Il se rappela enfin de ce qui lui manquait. Le garçon amoureux, le compagnon laissé au combat, le jeune homme heureux. Damien. Arthur se leva, énergique, s'approchant de la jeune fille brune.

— Shayla, c'est toi ? demanda-t-il vivement.

— Oui, pourquoi ? répondit-elle, un peu déconcertée par le comportement d'Arthur.

Felix se souvint à son tour de son ami qu'il avait perdu. Il se remémora le retour où il avait été porté par Arthur. Il se souvint aussi de leur dernier adieu. Comme Arthur, il se précipita vers Shayla. Arthur sortit de sa poche une lettre, un peu défraîchie et devenue marron avec le temps et le climat.

— Tiens ! Je t'en prie, lis ça.

Shayla, perplexe, prit la lettre et la déplia. Elle lut les premiers mots et reconnut immédiatement l'écriture.

— Il devait être stressé quand il a écrit ça, c'est rare de le voir écrire aussi mal.

Le silence enveloppa la pièce après que Shayla eut achevé la lecture de la lettre. Ses yeux fixèrent le papier qu'elle pressa contre sa poitrine, absorbant lentement chaque mot. Puis, dans un murmure chargé d'émotion, elle osa la question qui pesait sur son cœur.

— Damien... Il est... mort ? tenta-t-elle de demander.

Les deux jeunes garçons baissèrent les yeux, signifiant leur réponse. Les larmes commencèrent à couler des yeux de Shayla. Ses yeux marrons, aussi lumineux qu'un coucher de soleil embrasant le ciel, devinrent humides. Les battements de son cœur s'accélérèrent, et ses mains tremblèrent.

Jamais. Jamais. Jamais, elle n'aurait imaginé qu'il pourrait mourir. Elle connaissait ses sentiments pour elle, elle savait qu'il prévoyait de les lui avouer tôt ou tard. Elle aussi, elle l'aimait. Elle attendait juste que Damien lui dise, et ils auraient pu vivre une vie heureuse. Mais visiblement, ce moment n'arriverait jamais. La réalité de sa mort s'était abattue sur elle comme un coup de tonnerre inattendu, détruisant toutes les promesses futures qu'ils auraient pu partager.

Personne ne savait vraiment qui était Damien. Il était le genre de garçon toujours là pour les autres. Celui qui tombait amoureux de ceux qui prenaient soin de lui.

Dans l'ombre, il tissait des liens sincères et profonds avec ceux qui croisaient sa route. Personne ne savait où il avait grandi ni d'où il venait. Il était une énigme délibérée, une silhouette mystérieuse au sein du quotidien.

Il était facile de devenir son ami car il ne jugeait personne. Son cœur était ouvert à la diversité des âmes, et son esprit accueillait toutes les nuances de l'humanité. Tout ce que l'on savait de lui était son prénom. Tout le reste était inconnu. Ses goûts musicaux, ses passions, ses amis... Des fragments de sa vie étaient éparpillés, formant une mosaïque de mystères. Il manquera à très peu de gens, car il ne se faisait pas remarquer. Sa discrétion était une toile de fond, mais derrière ce voile résidait une richesse d'amour et de compassion. Il était connu uniquement de son cercle d'amis, une petite famille qui avait le privilège de découvrir les multiples facettes de sa personnalité.

Tout ce qu'ils pouvaient faire était de lui rendre hommage. Un petit hommage, mais un hommage important, car chaque vie, même discrète, laisse une empreinte précieuse dans le cœur de ceux qui ont eu la chance de la croiser.

Shayla remercia Arthur et Felix. Ces derniers, combattant toujours leur mal de tête, se levèrent et firent l'effort de mettre quelque chose de chaud. Ils quittèrent tous trois l'université et se dirigèrent vers la forêt la plus proche. Ils montrèrent leur carte étudiante à l'accueil, qui leur ouvrit le portail les menant au monde extérieur. Ils marchèrent jusqu'à rejoindre une petite forêt à quelques kilomètres de l'université.

Les nuages s'assombrissaient, et la pluie commença à tomber. Peut-être qu'il aimait la pluie...

Ils trouvèrent un arbre assez joli et y déposèrent la dernière chose qu'ils avaient gardée de Damien, un bout de sa veste. Ils la placèrent au creux de l'arbre.

— Il va me manquer... dit Felix.

— Il va nous manquer à tous, ajouta Arthur.

Ils restèrent là, contemplant ce petit morceau de la veste de Damien, un petit hommage pour un grand ami. Il était tombé au combat. Parmi les trois présents ce jour-là, Felix se sentait le plus mal. Tous ses membres tremblaient. Il se rappelait du jour où il lui avait promis qu'il ne mourrait pas. Il n'avait pas accepté la promesse de Damien de montrer la lettre à Shayla, car il était certain qu'il ne mourrait pas.

Mais il est mort, et il n'a rien pu faire pour empêcher sa mort.

Le vent soufflait plus fort que les autres jours ce jour-là. Felix et Arthur restaient plantés là, en face de cet arbre, sous cette triste pluie.

— Je promets. Je promets... je passerai chaque minute à retrouver ton âme... je promets. dit le brun désespéré d'une voix tremblante.

Felix tomba sur les genoux. Arthur vint derrière lui, pour lui caresser l'épaule.

— Tu as survécu, Felix. C'est le principal.

— J'ai peut-être survécu physiquement, mais mentalement, je suis mort aux côtés de Damien.

Felix, cependant, ressentait une mort intérieure, une blessure invisible qui s'était ouverte aux côtés de celle de Damien. La pluie, les vents tourbillonnants, tout semblait refléter l'état de son âme. 

Crépuscule d'un Ange Déchu [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant