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Je m'étais remise contre le hublot, à regarder les nuages. Je ne voulais pas qu'il me voit pleurer.

- J'étais tellement contente de venir le voir. On était restés jeudi, vendredi et samedi soir ensemble. J'aimais tout de lui : son style de conduite, sa détermination, son optimisme, sa façon de gérer le stress, comment il était là pour les gens qu'il aime.

Il restait là, à m'écouter attentivement tout en prenant ma main dans la sienne.

- J'étais là, à Singapour.

J'étais présente pour assister à un des pires jours de ma vie.

- J'étais là, dans son stand, dans le stand de mon piloté préféré, avec le casque sur les oreilles. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Il est venu me voir avant de monter dans la monoplace et il m'a dit "Je vais rouler. Je vais rouler comme je le fais toujours. Je vais rouler comme je le fais toujours et repousser les limites. Je vais te montrer que tu ne dois jamais douter de toi. Je vais faire cette course pour toi." Il m'a embrassé le front et il est parti en piste.

Je l'aimais et je l'aimerais toujours. Jamais je n'oublierais ce qu'il m'a dit ce jour là.

- J'avais peur de voir comment la course allait se dérouler vu les conditions météo ce jour là mais je faisais confiance à Jules, j'avais appris à croire en lui, en son talent, à contrôler mon stress, mon anxiété.

Et tout ça, grâce à lui.

- J'avais le casque sur les oreilles et l'écran en face de moi quand il a percuté la grue. Il a percuté cette putain de grue et j'ai su. J'ai su que c'était fini. Quand il était hospitalisé, je venais le voir quand vous étiez pas là. Je demandais toujours s'il y avait quelqu'un avant d'y aller.

Je savais déjà qui étaient Charles et Arthur à cette époque mais je ne les avais rencontré. Les circonstances, les mauvais timing mais Jules me parlait souvent d'eux, enfin surtout de Charles. Il était son parrain sportif alors il passait beaucoup de temps avec lui. Il me parlait aussi d'Arthur de temps à autre. Leur père étaient meilleurs amis donc ils se faisaient souvent des repas en famille. Ils étaient une vraie famille.

Quand il a eu son accident, je savais qu'ils étaient aussi en deuil mais je ne voulais pas les rencontrer dans de telles circonstances alors l'esquive me semblait la meilleure solution.

- Les premiers jours, je ne pouvais même pas rentré dans la chambre tellement j'en étais malade. J'ai commencé à boire pour me changer les idées. Après deux semaines, j'ai enfin réussi à le voir. Je ne faisais que pleurer et après, j'étais vide. Je le regardais et plus rien ne sortait, je ne parlais plus, je ne disais rien, je ne savais pas quoi dire, j'avais perdu espoir même si depuis l'accident je n'en avais pas vraiment. Je crois que c'est en parti à cause de ça que je me suis encore plus renfermée sur moi-même. Je ne voulais plus que quiconque s'approche de moi, je ne voulais plus créer de lien d'amitié et que ces personnes me laissent par la suite. J'ai perdu ma mère, j'ai perdu Jules. J'ai peur de perdre Bocco à chaque fois qu'il monte dans une voiture et maintenant, je vais travailler avec toi.

- C'est un problème ?

Il ne voyait pas trop où je voulais en venir.

- C'est un problème parce qu'on s'entend bien. C'est un problème parce que je m'entend bien avec ton frère. C'est un problème parce qu'on va passer beaucoup de temps ensemble et je sais que je peux m'attacher encore plus. Tout ça c'est un problème parce que s'il vous arrive quelque chose, je perdrais encore quelqu'un et je sais pas si j'y arriverais. Je sais pas si je serais capable de perdre encore quelqu'un.

Arthur me força à le regarder avant qu'il réponde.

- Dans ce sport, tu sais que tout est dangereux mais si on se laisse prendre par la peur, c'est terminé. Ce sport est risqué, tu le sais, je le sais, on le sait tous et c'est ça aussi qui rend les actions magnifiques. On prend des risques mais des risques contrôlés et des fois il y a des accidents. C'est le prix à payer.

Tome 1 - Changement De StrategieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant