♤Chapitre 6 : Partie 2♤

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Billy est grand, et sa carrure de sportif a de quoi faire tourner les cœurs. Il a l'air plus vieux que nous, et ses iris sont gravés par sa maturité qui s'y lit difficilement, et surtout par un voile que je ne parviens pas à identifier. Pourtant, il arrive à passer pour un idiot avec ces plaisanteries, son égocentrisme et le fait qu'il vive pour draguer. A moins qu'il ne soit vraiment un idiot.

Tout me l'indique, pourtant je ne peux me résoudre à croire une telle chose. Son apparence est parfaite, il est populaire et certainement très expérimenté dans certains domaines dans lesquels je ne suis qu'une débutante, pourtant il y a un bémol. Mais je suis incapable de deviner quoi. Sous ces blagues et son amour-propre se cache une part plus sombre, peut-être même violente ?

Je secoue discrètement la tête, comme pour chasser mes pensées. Celles-ci sont probablement toutes fausses, on ne peut pas identifier quelqu'un avec la seule expérience de quelques minutes.

A mon soulagement, Harriet me rejoint enfin et s'assit lourdement entre Wesley et moi.

- Alors ? fait Wesley avec un petit sourire adorable qu'il adresse à Harriet. Comment as-tu rencontré Ann ?

- C'est la nièce de Hope, je vous ai parlé d'elle hier ! s'illumine Harriet en prenant ma main pour la lever en l'air, comme si j'étais une bénédiction qu'elle avait reçue.

- C'est elle ? s'écrit Wesley. Ah mais oui, je suis con ! Tu viens de me dire que ta tante tenait le Sun-Flower, mais j'ai pas fait le lien !

Je ris doucement, soulagée que le jeune homme au teint hâlé et aux boucles noires ait laissé de côté la légère froideur qu'il m'a adressée quelques minutes plus tôt.

- Ah mais oui ! hurle Keran alors que sa copine - je suppose, car Olympe est allongée sur lui depuis le début de la soirée - se relève pour me regarder dans les yeux.

- T'es bête ou quoi Keran, se moque Billy en poussant Olympe pour s'asseoir à sa place, un regard noir à faire trembler en contre partie. Je t'ai dit hier que c'était elle !

- Oui, mais j'avais pas fait le lien quand Harry nous a parlé d'elle, j'avais pas pigé qu'en fait c'était une seule et même personne. Et puis tu peux pas m'en vouloir, Harry a dit que c'était une meuf hyper cool, alors en voyant Ann j'ai pas réalisé.

J'aurais dû recevoir un poignard en plein cœur, pourtant cette insulte imprévue passe dans une oreille, puis ressort par l'autre sans le moindre dégât.

J'éclate de rire, tandis qu'Olympe se cache le visage pour se retenir de faire la même chose et que Keran remarque sa bêtise.

L'alcool doit déjà faire effet, car je n'aurais jamais réagi ainsi en temps normal. J'aurais été profondément blessée, même si ce qu'a dit Keran sans le vouloir n'est que la triste vérité. Je ne suis pas quelqu'un de "cool" ou de génial. Je suis juste moi, Ann.

Harriet réagit au quart de tour et s'énerve immédiatement contre Keran, défendant ses propres propos de la veille, dont je n'étais même pas témoin.

- Excuse-moi Ann, fait Keran. Je voulais pas dire ça, c'est juste que je te connais pas, tu vois ?

- On s'en fiche, je le rassure en réalisant que tout compte fait, je ne m'en fiche pas tant que ça.

Je n'ai qu'une envie : rentrer à l'Oasis. Mais quand je me lève pour annoncer mon départ, Billy me remarque tout de suite, alors qu'il venait d'aller chercher des boissons pour une nouvelle tournée.

C'est de sa faute. S'il m'avait laissée tranquille dès le début, je me serais enfuie immédiatement de cette plage.

Mais je n'aurais pas goûté à ce sentiment que j'essaie d'enfouir en moi depuis tout à l'heure : j'adore cet endroit. J'adore entendre la musique exploser mes tympans, et j'aime l'odeur de la mer et du sable tandis que la lumière du jour descend et est remplacée par des dizaines de guirlandes colorées. C'est ce dont j'ai toujours rêvé. Drôle de rêve pour une hypersensible dont la timidité est maladive, non ? C'est pourtant le cas. Mais pourquoi vivre un rêve si on est seul ? Dans tous les films et romans que j'ai pu découvrir, jamais le personnage ne fait la fête seul. Il est entouré par ses amis, les personnes dont il est le plus proche. Et je réalise tout juste que c'est ce que j'ai toujours voulu : être aimée. Est-ce-que ce besoin de reconnaissance me vient de cette époque lointaine auprès des parents qui n'ont pas su élever un enfant ? Ou bien du fait que j'ai été adoptée, adoptée parce que les gens qui m'ont créée n'ont pas voulu de moi ? A moins que ce soit encore cette foutue maladie qui n'est pas censée en être une, qui m'a toujours forcée à me poser tant de questions que je n'ai jamais réussi à me rapprocher de quelqu'un. C'est faux, tu es proche de ta famille. Et tu avais Jane, maintenant tu as Harriet, me dis-je à moi-même.

The Sun-FlowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant