Une marche, puis deux, et bientôt je me retrouve en haut du perron, une valise dans chaque main tandis que la sueur commence déjà à perler sur mon front.
La chaleur de la saison épuise rapidement mes muscles déjà fragiles, et le poids de mes bagages ne fait que me fatiguer encore plus.
Alors qu'Hope se précipite pour déverrouiller la porte d'entrée, un sac de ma mère sous le bras, elle m'invite à franchir les murs pour marcher sur un sol éclatant de propreté en damier.
La décoration estivale me rappelle immédiatement les gens que j'ai vu plus tôt dans la rue, comme si tous ces quartiers étaient restés coincés dans les années soixante-dix ou quatre-vingt.
Ce sont encore les couleurs qui me transportent à une autre époque, et je reste captivée par les statuettes extravagantes tout aussi peinturlurées. Une odeur agréable règne, comme si un bouquet de fleurs était posé juste sous mon nez pour ajouter de la magie à ce monde déjà incroyable.
- J'ai demandé au personnel de nettoyer l'Oasis avec des produits floraux, rit joyeusement ma tante en posant un sac aux pieds d'escaliers en colimaçon. J'ai pensé que tu préfèrerais ça aux odeurs chimiques habituelles.
Même si ma tante me connaît bien, je ne peux pas m'empêcher de rougir de honte, craignant toujours d'être trop capricieuse alors que je n'ai rien eu besoin de demander. J'ai un nez particulièrement sensible.
Il arrive souvent que les sens des hypersensibles soient décuplés - rassurez vous, pas au même point que les loup-garous ou que les vampires, la réalité est beaucoup moins amusante malheureusement.
Et chez moi, l'ouïe et l'odorat sont les élus, ce qui - concernant la sensibilité de mes oreilles - m'a valu de nombreuses insomnies à cause de pauvres petits bruits. De quoi me rendre folle.
Avec bonheur, Chris Hemsworth et son incroyable personnalité étaient là pour me soutenir - par le biais de mon ordinateur bien sûr, je n'ai pas la chance de connaître ce dieu personnellement. Ce ne serait pas de refus maintenant que j'y pense... Ne fais pas comme si tu n'y avais jamais pensé petite effrontée, je pense un peu trop fort - m'arrachant moi même un petit sourire en coin que personne ne remarque.
- Tu veux de l'aide ? m'interrompt une voix féminine alors que je m'apprêtais à franchir la première marche de l'interminable escalier.
Une jeune fille extraordinaire - c'est le seul terme que j'ai trouvé pour décrire son excellence - est debout juste en face de moi et attrape gentiment l'une de mes valises pour m'aider à la monter jusqu'à ma nouvelle chambre, la dernière au fond du couloir de gauche, m'a dit Hope.
Je bégaye des remerciements et suis l'adolescente - qui ne peut être qu'un ange tombé du ciel tant elle est belle.
Cependant, une petite voix me dit qu'elle n'a rien d'un ange : cette personne est probablement la fille populaire que tout le monde adore, non pas la petite prétentieuse sans cervelle mais la fille sociable qui a le rire facile, et qui a un succès fou autant auprès des femmes que des hommes.
C'est une façon de dire que c'est le genre de personne que j'admire en secret, sans jamais oser aller lui parler malgré mon envie.
Mais celle-ci semble différente, elle ne s'arrête pas à la sociabilité des autres et a osé venir vers moi - et c'est un geste exceptionnel , car il suffit d'un regard pour comprendre que je suis la personne la plus timide de la terre.
Ses cheveux noirs bouclent dans son dos, et elle porte une combi-short florale parfaitement assortie aux boucles d'oreilles que j'ai pu apercevoir, et ces yeux légèrement bridés lui donnent un charme rafraîchissant.
- Oh ! s'exclame-t-elle en posant ma valise devant la chambre que je lui ai indiqué. C'est vraiment lourd ! Qu'est ce que tu as mis dedans ? Des briques ?
- Euh... j'hésite par peur de la faire fuir. Des livres... Et aussi des vêtements, un ordinateur portable, des cahiers...
- Hé bah ! s'évente l'adolescente en riant aux éclats - même son rire est harmonieux, et pour une fois, ce genre de rire ne me révulse pas mais au contraire me donne envie de l'entendre à nouveau. Je crois que je n'aurai jamais assez d'affaires pour transporter avec moi deux valises ! De toute façon, je suis plus du genre à improviser une fois sur place, le matériel c'est pas trop mon truc.
- Oh... je me gratte nerveusement la nuque, à court d'arguments pour continuer la conversation avec cette inconnue.
Étrangement, plutôt que d'être gênée à son tour à cause de mon malaise, elle sourit amicalement et me regarde d'un air doux.
- Je m'appelle Harriet Cho, je suis ravie de te rencontrer !
- Moi aussi ! je rougis en faisant de mon mieux pour avoir l'air sûre de moi. Je m'appelle Ann Lee, je viens de Charleston en Caroline du Sud et j'ai dix-sept ans... Mais tu t'en fiches probablement...
Je ris nerveusement, honteuse de ne pas savoir engager une conversation normale.
Mais à mon soulagement, Harriet ne se moque pas de mon malaise ou de mon idiotie, elle semble même me trouver amusante.
- Je ne m'en fiche pas du tout Ann ! Tu as l'air vraiment amusante comme personne ! rit-elle doucement en me tapant amicalement l'épaule avant de voir ma grimace et de s'excuser immédiatement. Excuse-moi , je ne me moquais pas du tout ! Je suis désolée je ne voulais pas te vexer... J'ai dix-sept ans aussi, et j'habite à Havensight depuis toujours, mon père travaillait pour ta tante et je suis venue donner un coup de main à Hope et vous, je l'aime beaucoup. Hope est carrément géniale si tu veux mon avis.
- Oui ! je m'exclame joyeusement. Je crois que je n'ai jamais vu quelqu'un de si admirable...Même si elle aime manger sa glace au caramel avec du ketchup.
- Attends... se fige Harriet. Quoi ?
- Je te promets que c'est vrai, j'éclate de rire. Ça lui arrive de faire des choses vraiment étranges, comme...
- Comme passer le balai dans l'herbe ? dit la brune aux yeux noir pour finir ma phrase.
- Oui !
Si je m'étais attendu à discuter avec une inconnue dès mon arrivée, j'aurais probablement trouvé une cachette pour l'éviter. Mais si on m'avait dit que ma timidité maladive disparaîtrait aussi rapidement un jour, j'aurais ri à la figure de ceux qui auraient dit cette idiotie.
Pourtant ma voix et celle d'Harriet se mélangent immédiatement, à la perfection, et je ris de bon coeur avec cette jeune fille remarquable : elle a réussi à me mettre à l'aise sans rien avoir besoin de faire, si ce n'est m'accepter et converser avec moi comme avec une amie de longue date.
- Je vais devoir y aller, s'excuse Harriet et me serrant doucement la main - non pas comme le font les hommes et femmes d'affaires mais comme l'aurait fait ma mère avant que j'aille dormir - comprenant immédiatement que je ne suis pas amatrice de contacts trop rapprochés. Je vais rejoindre des amis à l'Eden, tu pourras me retrouver là-bas si tu veux, j'y suis presque toute la journée, et ce tous les jours de la semaine !
- L'Eden ? je laisse libre court à ma curiosité.
- Tu ne connais pas du tout cet endroit ? s'exclame Harriet avec de grands yeux. Il faut que je te le montre. N'y va pas sans moi, j'adore faire découvrir aux autres mon endroit préféré sur Terre ! On se reverra probablement dans la semaine !
Harriet est visiblement quelqu'un de très dynamique, elle bouge et parle sans arrêt, et j'adore ça.
- D'accord, gloussé-je. Au revoir.
- A plus !
La surprise que je ressens en repensant à cette rencontre est totalement ancrée en moi, comme une étiquette en papier sur le livre d'une librairie.
Je suis tellement éblouie que je vous croirais tout de suite si vous me disiez qu'il suffit de réciter une incantation pour faire pousser une banane.
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The Sun-Flower
RomanceAprès avoir surmonté de dures épreuves, la tante d'Ann l'invite à passer l'été au Sun-Flower, une compagnie de villa sur une île. Hope est le genre de femme extravagante que tout le monde aime, et Ann ne peut ainsi passer inaperçu aux yeux des jeune...