♤Chapitre 5 : Partie 2♤

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Alors que la coccinelle secoue légèrement en roulant sur un dos-d'âne en plein cœur de la ville, je repense à ce garçon que j'ai rencontré hier, Billy, et à son ami qui avait semblé être quelqu'un de très joyeux. Et le souvenir de ce sentiment angoissant que j'ai ressenti lorsque j'ai vu ce gars, que j'ai immédiatement surnommé le gars-le-plus-beau-et-musclé-que-je-n'ai-jamais-vu, ressort tandis que je lève les yeux au ciel, me remémorant notre conversation insensée sur les éléphants roses, et le fait qu'il m'ait littéralement demandé de sortir avec lui. J'espère ne jamais retomber sur ce personnage très particulier, non pas que je ne l'apprécie pas, disons simplement que je préfère rester loin des gens comme lui, souvent des personnes bien trop problématiques.

Avant que nous partions de l'Oasis pour cette séance de course qui est finalement devenue une virée shopping avec les deux personnes les plus cools de la terre, Harriet s'est excusée de ne pas pouvoir nous accompagner, mon père, Hope et moi. Mais elle s'est immédiatement rattrapé en m'indiquant précisément la plage sur laquelle elle se trouverait si je la cherchais : la plus grande et belle plage de l'Eden. J'avoue qu'après ses descriptions festives et joueuses, cet endroit m'intrigue de plus en plus. Et c'est en me rappelant de tous les rêves que je n'ai jamais pu réaliser que je me dis que ce ne serait pas une si mauvaise idée de finalement y aller. Peut-être serait-ce une erreur monumentale, ou peut-être que je découvrirais enfin cette partie de moi qui aime la musique au point de ressentir littéralement un feu d'artifice en moi lorsque je l'entends vibrer au rythme des corps de tous ces gens que je ne connais pas, et dont le seul point commun que nous avons est ce moment brûlant, dansant.

- Regarde ce haut chérie ! s'écrie ma tante à l'autre bout du magasin lorsqu'elle se décide enfin à en choisir un après qu'on ait garé la coccinelle non loin, sur un parking à proximité d'une fête foraine débordant d'enfants affamés de granités, de crêpes ou de gaufres.

Elle secoue un petit top blanc parsemé de légers tournesols, minuscules, et c'est la joie collée au visage que je viens le saisir pour l'essayer.

En l'essayant, je suis un peu mal à l'aise sur le peu de couvrance qu'il exerce sur ma poitrine, sur laquelle j'ai longtemps - et encore aujourd'hui - complexé. Cette remarque sur le manque de forme de mon torse me rappelle une énième fois le chemin que j'ai parcouru depuis cette époque où je ne pouvais porter de t-shirt sans manche ou collé au corps, et c'est à nouveau cette fierté qui vient réchauffer mon corps alors je réalise que je me suis soignée seulement grâce à ma propre force, la force de mon esprit, moi-même. Chacun a sa façon de prendre confiance, le seul point qui ne peut changer est le fait que nous sommes la seule et unique personne capable de nous faire vraiment aimer notre corps ou la personne que l'on est. J'en suis convaincue. Même si l'aide des autres peut beaucoup nous apporter, on est la personne qui doit nous guérir. N'attendons pas qu'une âme trop parfaite nous sauve de nous même, soyons plutôt cette main capable de nous sortir du noir.

Je ne dirai pas que je ne complexe plus du tout sur certaines parties de mon corps que d'autres jugent parfaites, j'ai simplement appris à ma façon à réaliser que je n'avais pas besoin d'être comme tout le monde.

Et ce haut est si joli, j'aurais le cœur brisé de ne pas l'acheter, sans compter le simple mais efficace short que j'ai pu trouver pour s'accorder avec. On nous demande souvent ce qu'on dirait si l'on pouvait adresser une seule et unique phrase à l'entièreté de l'humanité. J'ai toujours su quoi répondre, je dirais : "par pitié, aimez-vous, tout entier", parce qu'on ne peut aimer les autres correctement que lorsqu'on commence par s'aimer soi-même.

- Tu es magnifique, Ann. Je ne te le dis pas assez, mais tu l'es, murmure ma tante alors que l'ensemble que je porte est pourtant très simple.

- Pas autant que Summer, je marmonne pour moi-même d'un air triste, oubliant un instant l'élan de motivation que je viens pourtant d'avoir.

- Tu seras toujours la plus belle à mes yeux, pas seulement physiquement mais pour ce que tu es, dit mon père en surgissant derrière moi avec un grand sourire lumineux, un sourire dont le charme vient des dents légèrement tordues qui le forment, et qui le rendent encore plus parfait.

Alors que la vendeuse plie lentement nos achats dans une poche en papier, des cris retentissent à l'extérieur, accompagnés d'une ruée d'adolescents les bras sur les épaules les uns des autres. Et c'est mon regard envieux qui alarme mon père, qui prend la parole après avoir sorti son argent.

- Je pense que tu devrais rejoindre Harriet à cet Eden ou je ne sais quoi, elle semblait vraiment vouloir que tu la rejoigne.

- Je ne sais pas, j'hésite alors que la peur monte en moi à l'idée que je puisse réellement m'y rendre.

- Fonce ! m'encourage vivement Hope, qui a encore acheté des dizaines de chapeaux, de foulards et de robes colorées.

- Vous pensez vraiment que je peux...

- Oui ! me coupe ma tante en arrachant presque des mains de la vendeuse le sac bien rempli, avant de s'excuser familièrement - elles se connaissent probablement.

- Mon fils m'a dit qu'il y avait une petite fête assez calme ce soir, nous indique la caissière.

Pourquoi pas, après tout ? Cet été pourrait être différent...

- Ne dis pas à ta mère que c'est moi qui t'ai encouragé à y aller, plaisante mon père lorsqu'il voit que j'envisage vraiment d'y aller malgré ma timidité, ma peur et mon manque de sociabilité. Elle va me taper sinon, mais va t'amuser. T'es presque une petite vieille maintenant, alors tu devrais te lancer.

La vendeuse éclate d'un rire rauque et écoute les plaisanteries d'Hope après que celle-ci m'ait littéralement poussée dehors malgré mes protestations.

Mais pourquoi pas ? Pourquoi je n'irai pas, après tout ? Et puis je vais juste rejoindre Harriet, tout ira bien !

The Sun-FlowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant