Quelque part dans une forêt boisée de la province de CayoriUn vieux bucheron trainait son fagot pesant sur un abrupt sentier parmi les bois.
Le versant lisse et infertile d'une haute colline baignée dans le soir, plongeait droit dans la végétation de ce petit bosquet reverdi et tranquille, comme il s'en voyait tant au début de la saison des pluies. La terre assoiffée avait puisé dans la moindre parcelle d'humidité tombée des nues pour asseoir une solide couverture végétale faite de brousse et d'herbes piétinées par les innombrables troupeaux de buffles et d'antilopes attirés en ces régions par la belle saison.
A l'orée du bois, les herbes abritaient une bruyante population de grillons qui coassaient à qui mieux mieux. A coté l'exubérance et de la joie que respirait la nature en cette soirée animée, le vieil homme détonnait. Il avançait à petits pas, presque par saccades, relevant de temps en temps les bretelles effilées de son panier de tête, qui abritait une assez bonne provision de bois.
Le bois.
Ce n'était assurément pas ce qui manquait en Cayori par ces temps-là, songeait-il avec amertume. Du bois, il y en avait partout où la pluie voulait bien tomber, avec une surabondance dont on serait bien passer Tout comme les crues de marigot, les insectes dévastateurs et, surtout, les visites impromptues de l'impôt à toute occasion. Les pommes de terre, le café et le sel par contre, se faisaient des denrées rares. Il était de plus en plus difficile de marchander l'un ou l'autre avec les avares revendeurs de la région et les maigres genoux du vieux bucheron ne lui permettaient plus d'espérer rallier Siloé, la capitale provinciale, dans l'espoir de faire de bonnes affaires. Résultats, il était contraint avec sa famille de boire chaque jour une soupe fade, et de subir le soir les affres de la fatigue d'une vie bien trop chargée, sans pouvoir en atténuer la profondeur par le réconfort d'un bon repas et d'un peu de café. Après tout, ils n'en demandaient pas tant, eux, les oubliés des grandes villes aristocratiques : seulement un peu de sel, un peu de lumière par ses temps par trop sombre, somme toute un peu de paix pour les malheureux ignorés et ignorants tout des conflits dus à l'appât du gain et du pouvoir.
Hélas, à l'image de la paix, qui semblait peu à peu se désintéresser de son pays, le vieil homme pressentait que le retour de l'abondance n'était pas pour demain.
Si encore il avait pu compter sur le soutien tout relatif deux ses deux incapables de fils ! Les sales garnements étaient loin de posséder la force physique que possédait _ jadis_ leur vaillant père, et moins encore sa ténacité ! Le vieux père voulait se consoler en reconnaissant dans cette mollesse leur seul salut face à la menace latente de l'enrôlement militaire, mais ses fils avaient poussés le vice jusqu'à se rendre incapable de suivre la profession paternelle. L'aîné avait passé depuis longtemps l'âge de servir d'aide aux paysans de la vallée moyennant quelques malheureux retz de cuivre. Son frère, plus molasson encore, passait ses journées à revâsser adosser à la clôture du poullailler_ vidé par les soins de la hyène_, lorsqu'il ne tombait pas malade d'un mal intermittent, qui le laissait tout fiévreux, mobilisant ainsi toute l'attention de sa grincheuse mère. Que dire de cette épouse, éternelle insatisfaite, constamment sur le dos de son mari pour qu'il rapporte plus de bois, comme ce soir ! En bref, c'était une bien pauvre famille et de bien inutiles fils qu'avait le pauvre bucheron. Vendant son bois au villageois, le père avait passé outre ce fait des années durant. Mais le temps avait fait son œuvre et à moins qu'il ne chasse ses fils de la maison afin qu'ils fassent leurs pas dans le monde comme nombre de leurs compatriotes, la faim ou pire viendrait à bout de sa vieille carcasse et un voyageur solitaire découvrirait un jour ses restes trépassés abandonnées aux corbeaux !
Il en était à ce stade de ses réflexions, envisageant sérieusement de mettre ses fils à la porte, lorsqu'il atteignit enfin la lisière de ce maudit bois bien trop touffu. Une pente bien trop boueuse, qui descendait vers sa concession de chaume, narguait là ses vielles jambes, révoltées contre les chemins singulièrement vallonnés de ce coin très arrosé de la province. Si encore j'avais vingt ans, pensa-t-il, alors que son attention était tout à coup happé par un écran de fumée en contrebas. Elle gaspille encore mon bois, songea-t-il d'abord en pensant rageusement à sa femme. Puis la fumée balaya la légère empreinte de pluie qui persistait dans l'air et dévoila alors les hautes flammèches qui léchaient le toit de paille de sa demeure.
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Les Légendes De Magadãn
FantasyTOME 1 Lorsque le Foyer Ardent, le sanctuaire qui l'a vu grandir est attaqué, Kihahsah Tamariel n'a d'autre choix que d'abandonner derrière elle tout ce qu'elle a toujours aimé. Pendant ce temps, le Roi Maïssa combat les rebelles d'un côté et le...