CHAPITRE 15 : La prédiction du serpent [1/1]

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En quittant le temple, Isma me prit à part pour me communiquer un message de la Princesse Sédi Séthi :

__L'animal blanc que vous devez sacrifier a été choisi pour vous et vous attend dans une cour du palais. C'est à vous de donner le premier coup.

Un coup de Kick à coup sûr. Ignorait-il vraiment que les Guérisseurs, à plus forte raison les Tamariel, détestaient mettre fin à la vie ?

L'estomac retourné, j'assistais à l'arrivée d'un caprin bêlant d'une rare beauté, totalement immaculée. Et lorsque le couteau tranchant fut placé dans ma main, je compris tout le sens des paroles du loa du sang :

__Le sang est porteur de pouvoir.

Le sang avait effectivement un pouvoir. Celui de la vie. Cette pauvre bête n'était peut-être qu'un vulgaire mouton mais lui trancher la gorge sans raison allait à l'encontre des principes que m'avait enseigné Malia. Je me rappelais qu'elle détestait l'habitude qu'avait le directeur d'abbatre les sangliers à vue. Chez les Tamariel, on tuait pour se nourrir, et ce n'était jamais de gaieté de cœur. Mais j'avais passé un pacte : le sang de cette bête contre l'aide du loa. Je ne voulais pas m'exposer aux conséquences.

Ce n'est qu'une bête, m'éfforcais-je de penser alors que je dessinais un sanglant sourire sur sa gorge. Prise de haut-le cœur, je laissais aux serviteurs le soin de l'achever et de recueillir le sang qui serait posé au pied de l'autel.

Les dernières convulsions agitèrent la bête mourante. Je détournais le regard.

Soda se tenait à l'autre bout de la cour. Nous marchâmes jusqu'au jardin des palmiers, l'un des innombrables joyaux du palais. Soda respectait mon silence, consciente de mon trouble. Des ouvriers s'activaient au sommet des arbres pour la récolte des fruits qui tombaient en cascade sur des étoffes disposées au sol.

__Dans mon pays, finit-elle par dire, tuer fait partie de ce que les parents enseignent à leurs enfants et veulent qu'ils sachent. Afin qu'ils soient conscients de la valeur de la vie.

Nos regards s'accrochèrent.

__Que ce soit une bête ou un Homme, la mort est un poids pour celui qui la donne. Je trouve la Princesse cruelle de t'avoir imposée cela.

__Ce n'est pas totalement sa faute.

Rien ne m'avait obligé à soigner Iro. J'aurais pu refuser.

__C'est donc celle de la personne qui a mit le lourd poids qui t'afflige sur tes épaules. Tu n'as pas à le porter seule.

Le silence s'étira.

__Le khôl autour de tes yeux s'efface, dis-je pour changer de sujet. Tu veux que je t'en prépare à nouveau ?

Sa main passa sur les symboles autour de ses yeux. Elle comprit et opina du chef.

                                            •

Soda et moi nous rendîmes au quartier des Scribes de la ville. Après bien des périples, nous trouvâmes la maison de la mère de Kalid : une chaumière entourée d'une palissade de rôniers. Les cases et les baraques alentours étaient différentes des maisons aux murs blanchis que nous avions vu jusque là, j'avais l'impression que nous étions dans la partie la plus ancienne et la plus vétuste de la cité.

Soda avait accepté de m'accompagner à condition que je lui raconte en détail ma rencontre avec Raïken en chemin. J'avais voulu rencontrer la vieille femme qui m'avait abordé au marché, d'abord pour ma propre conscience, mais aussi parce qu'il fallait que je me débarrasse de l'impression d'avoir du sang sur les mains. Depuis que la marque de Kick s'était imprimé sur mon poignet, elle ne me quittait plus.

Les Légendes De MagadãnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant