Les Légendes De Magadãn

CHAPITRE 9 : Le Loa des Serpents [1/1]

Kihahsah

Et nous n'étions rien sans nos racines.(...)

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Il fixait sur moi ses yeux globuleux emprunts de lueurs kaléidoscopiques.

Il se cachait toujours de Malia. Elle ne l'aimait pas beaucoup et risquait bien de le chasser à vue. C'était pour cela qu'il ne me parlait qu'en son absence. Durant ces moments là, il me racontait les derniers potins de la forêt au delà du marigot, les querelles entre esprits, les unions et les mille petites histoires d'être aussi éphémères qu'éternels. Cette magie étrange, même dans un monde comme le mien, allait de soi pour moi. C'était un paradoxe que je saisissais parfaitement à cette époque. Ou du moins plus que le paradoxe de mon existence. Malia refusait absolument que je l'appelle maman mais n'avait pas une parole pour celle qui l'était vraiment. Elle n'était pas ici, voilà tout. Et nous n'en discutions jamais. Quand à mon papa n'en parlons pas. C'était un brigand selon ses dires.

Néanmoins, je n'avais jamais eu le temps ni le soucis d'une quelconque quête identitaire qui ne m'aurait mené nulle part. Malia faisait de moi son apprenti. Malia m'aimait. Elle désapprouvait peut-être les visites des petits esprits qui me fréquentaient et les histoires qu'ils me racontaient mais elle savait que d'une certaine manière ils me protégeaient aussi.

Du moins pour l'instant.

Je devais être assise sur ce rocher depuis quelques heures déjà. La forêt autour de moi était calme, et seuls quelques gazouillements et bruissements confus parvenaient jusqu'à moi. Face à moi, la faune d'une belle mare verdâtre achevait de s'endormir en ce début d'après-midi, engourdie par la chaleur moite du sous-bois.

Kalliel m'avait encore une fois abandonnée. Je m'étais faite une raison, à force. S'il ne voulait pas de ma compagnie, je n'allais pas la lui imposer, le mieux était encore d'employer ces précieux moments d'accalmie à un peu de réflexion sur mon propre sort. L'une des choses que Malia m'avait enseignée étaient les vertus de la méditation. Dit comme cela, ça semblait tellement dérisoire. Mais il fallait y être initié pour y croire vraiment. Ça n'avait rien avoir avec faire le vide dans son esprit. Cela s'apparentait un peu plus avec un ralentissement du cours des choses : si nos pensées était un fleuve, nos soucis en étaient les remous les plus violents, et la méditation était le moyen extraordinaire par lequel insuffler une brise bienfaitrice à ces eaux agitées.

Cela faisait deux jours depuis ma crise de nerfs. On en avait pas reparlé et tant mieux. J'avais compris que j'étais dans une situation délicate et que même si Kalliel était une énigme, il m'avait sauvée la vie. J'étais en exil, sans ma famille et je devais tout faire pour maximiser les chances de les retrouver. Il ne semblait pas m'en vouloir pour ce que je lui avait dit et je le lui était reconnaissante. Je m'étais montrée ingrate mais cet aventurier était mon dernier salut. D'ailleurs, les jours qui avaient suivit, il m'avait plus au moins aidé à passer mes insomnies grâce â son humour merdique. Je ne suis pas qu'un méchant cynique, m'avait-il dit. Peut-être avait-il un cœur, si minime soit-il ?

J'avais replié mes jambes en tailleur et fermé mes yeux. Le calme dans ma tête et autour de moi avait quelque chose d'apaisant. Je pouvais sans crainte dénouer un à un les nœuds des problèmes qui bouleversaient ma vie, intégrant enfin, à défaut de l'accepter, que ce qui était n'était plus, qu'un changement avait eu lieu, m'incitant ainsi à réagir. Dans le même temps, je me réappropriais mes souvenirs d'enfance, cette part de moi jadis scellée. Je compartimentais mes émotions pour mieux les gérer : la peur d'un côté, la colère et l'inquiétude de l'autre. Il fallait être méthodique pour me convaincre que tout irait bien, que ce n'était qu'une épreuve dans le cours de la vie, que mon refuge et ma famille n'avait pas complètement disparu.