CHAPITRE 2 : Tamariel [2/2]

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L'entrée d'Hélios dans l'enclos jeta un silence prudent sur la foule agglutinée là.

Nous étions plus nombreux qu'à l'accoutumée, plus que la trentaine de novices effectivement inscrits à son cours. Je retins un soupir : c'était seulement son second cours de l'année, mais sa réputation était déjà faite, par les soins de nos aînés de troisième année. Le professeur aurait donné un cours mémorable,la veille. Mémorable en quoi, difficile à dire. Toutefois, il suffisait de tendre l'oreille dans le Foyer pour se rendre compte que Hélios avait sacrément gagner en popularité, en un temps record. Nous devions nous attendre à des surprises aujourd'hui.

Hélios déposa sa mallette sur l'étroit pupitre dans un bruit sourd, tel un glas.

Avachie à ma place, entre Linguaire et Sala, je nageais à moitié dans les eaux du royaume des rêves. J'étais toujours aussi dépréciée par le sommeil, mes cauchemars ne me laissaient pas de répit. C'était à peine si la tisane que je m'étais concoctée la veille avait réussi à m'assomer aux dernières lueurs de la nuit. Et il y avait la très problématique tablette de médecine toujours pas entamée, la promesse arrachée à ma conscience de m'occuper de ce fauve blessé et enfin, cette maudite N'Della Sabouciré !

__Bonjour à tous ! Je...

Le discours du professeur se confondit bien vite au bourdonnement qui emplissait ma cervelle. J'étais réellement épuisée au point que ma fatigue supplantait mon intérêt pour ce nouveau cours. Mes cauchemars et la charge de travail mis à part, rien ne devait justifier une telle fatigue, non ? Ou alors je me surestimais, et ça tombait mal car cela signifiait que je me connaissait moi-même décidément très mal, ce qui n'avait rien de reluisant.

Une certaine conversation que j'avais eu plus tôt avec N'Della Sabouciré ne cessait pas de me trotter dans la tête.

__ Tu ne devais pas être en train de t'installer, comme les autres ?

Elle se retourna pour fixer sur moi ses pupilles vertes. Je ne me souvenais pas d'avoir vu nulle part quiconque arborer cette étrange couleur. Il faut dire qu'elle était plutôt inhabituelle dans la région. Tout comme la carnation de ma colocataire de fortune, et son mutisme moitié morose, moitié condescendant.

__Tu as hâte de nous voir quitter ta maison ? demanda-t-elle.

__Non ! Ce n'est pas du tout ça, réfutai-je vertement. Salio et Nelio sont vraiment sympathiques. Sarah est adorable mais...

__ Mais je détonne, c'est cela ?

Sa franchise déroutante continuait de me perturber. Un étrange sourire était monté sur ses lèvres, qui rappelait un peu celui qu'avait eu Salil plus tôt. Je décidai de jouer son jeu.

__ C'est...à peu près ça. Je dirais plus que tu ne donnes pas tellement le change. Est-ce que l'un d'entre nous aurait fait ou dit quelque chose qui t'aurais mis mal à l'aise ?

Elle se détourna à nouveau pour ôter ses mitaines et les poser sur un ratelier, éludant ma question, et me cachant du même coup l'expression de son visage.  C'était dommage, car j'étais plutôt doué lorsqu'il s'agissait de les déchiffrer.

La conversation ayant passée l'arme à gauche, j'envisageai déjà de retourner vers mes amis, quitte à essuyer les quolibets de Nazara, lorsqu'elle parla à nouveau :

__Tu es bien la fille de la Guérisseuse du camp, pas vrai ?

Je me retournai, perplexe. Ou voulait-elle en venir ?

Les Légendes De MagadãnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant