L'Héritage des Antiques T1 : Le Conclave

Chapitre 18 : Adieu

Le Conclave se déroule toujours dans l'arène du Hall de Fer. Aucun témoin, aucune règle.

Le dernier debout gouvernera.

Prémices de l'Histoire de Terre-Brune

Les premiers hauts-souverains

Havre-Pierre se vidait de ses habitants à mesure que la pluie s'abattait sur la cité royale. L'exode saisonnier était en marche. Les usines de surface se fermaient, les tramways étaient garés dans les entrepôts. La ville se taisait, fantôme, tandis que le ciel se déchaînait au-dessus d'eux.

A l'abri des éléments, le haut-roi écoutait la tempête, rageuse, qui se déchaînait sur le monde un sourire aux lèvres. Sa pâleur était accentuée par les lumières électriques des ampoules du Hall, ses cheveux flamboyants avaient été peignés avec soin, encadrant son visage austère et hautain. Julken suivait de près la préparation de l'exécution avant la retraite de la cité dans la ville souterraine de Havre-Pierre.

La population avait doublé durant ces dernières semaines et le haut-roi avait hâte de s'y retrouver. Il adorait cette partie de l'année sous le sol, où des combats à mort étaient donnés pour distraire le peuple venu de tous les Duchés. En posant les yeux sur les deux misérables Desmoulins enchaînés aux pieds de son trône, il ria doucement, exalté par cette vue. La saison des Brûlantes commençait extrêmement bien, le souverain des huit en était submergé de joie.

La mort sous un eau-rage était lente et douloureuse, un supplice terrible. Un spectacle qui allait attirer beaucoup de monde dans la ville souterraine. Une boule au ventre, Noham se refusait de regarder son père à genoux, le visage tuméfié et Javin abasourdi, trop amoché pour réaliser sa mort prochaine.

Peu à peu, le Hall se remplissait de dignitaires, de nobles, d'enchanteurs et d'enchanteresses de la Pierre, sortant des tréfonds de la Terre pour venir admirer la fin du Duc Desmoulins et de son héritier. Le silence était lourd, pesant, uniquement troublé par des chuchotements, des tissus froissés ou des bottes foulant les dalles de la pièce éclairée par des ampoules pour l'occasion. Noham détournait son attention de son père et de son frère. Cette vision l'horrifiait.

—Tu vas devoir regarder, souffla une voix grave au-dessus son épaule.

Il reconnut Lionel. Son haleine chauffait la peau de son cou.

—Le haut-roi va attendre de toi un comportement exemplaire. Comprends bien que ton père n'était qu'un traître.

—Je sais, répondit Noham d'une voix blanche. Mes yeux ne se détacheront pas de ce délicieux spectacle.

La colère et la tristesse se mélangeaient dans le jeune homme en une bouillie émotionnelle si confuse qu'il ne savait pas s'il était plein de rage ou de chagrin. Javin ne méritait pas de mourir ainsi. Férik, néanmoins...

—Mon Prodige.

Un guerrier Desfers se présenta au jeune Noham Desmoulins, un guerrier immense et aux muscles saillants sous une tunique de chanvre. Une cape couvrait ses épaules et il tenait dans les mains un paquet de tissu. Ils se regardèrent comme deux étrangers avant que les charbons deviennent, le temps d'une respiration, des braises ardentes.

—Selve...

Il retint sa voix de se briser, de se casser en deux.

—Je suis content de te voir, Noham, répondit Selve d'un petit sourire. Tiens, c'est pour toi.

Il lui tendit le paquet. Quand il s'en saisit et le déplia, il retint un sanglot du mieux qu'il le put. C'était la cape de son père, une cape d'un noir de jais intense, douce et imperméable. Sur son dos était cousu l'emblème de sa famille, trois hélices bleues cyan cerclées d'un trait de la même couleur. Noham s'en drapa fièrement. Une large capuche le protégerait des intempéries et s'il se brûlait un peu, il n'en aurait cure. Il regardera sans ciller, sans broncher. Il ferait honneur. Il ferait...