Chapitre 14 : Le Conseil

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Les Ducs ne se déplacent à la capitale que pour deux raisons : le Conclave et le conseil parlementaire. Le parlement, lui, constitué de vassaux des Duchés respectifs, n'a qu'un rôle consultatif. La décision finale en revient aux Ducs.

La politique Brunoise

Albert Desarbres, spécialiste de l'Académie



Le Hall de Fer était en ébullition.

Noham, droit dans son armure, observait les entrées progressives dans la salle du trône où le haut-roi affichait un sourire ostensiblement amusé, droit et fier devant ses sujets. Il portait son blason familial comme une affirmation de la suprématie Desfers sur le Hall, son épée posée sur ses genoux. Drapé d'une cape de velours d'ébène, Noham ne quittait pas des yeux le souverain.

Les Prodiges étaient alignés derrière lui, les mains croisées dans le dos, au garde-à-vous. Elkir à sa droite, Lionel à sa gauche, Noham sentait la tension grimper dans la salle. Alan Desblés et Julian Desinfinites tremblaient légèrement, impressionnés par la scène et la solennité de la procédure politique.

Colbert Desorges demeurait parfaitement immobile, Martha à sa droite, les joues rouges. Elle n'avait jamais su cacher ses émotions, jamais su retenir ses larmes lorsqu'enfant, ils apprenaient à tuer des chiots sans sourciller. Noham eut pitié pour elle, mais il reporta toute son attention sur la salle bondée.

Les ambassadeurs étaient aux premiers rangs, accompagnés des secrétaires, parchemins en main et plumes prêtes. Ils étaient installés aux tables. Des sièges vides étaient prévus pour les Ducs et Duchesses. A l'arrière, les riches marchands, les couturiers royaux ; les domestiques s'activaient, plateaux en main, pour distribuer les rafraîchissements. Du bon monde, songea amèrement Noham.

Les Ducs furent annoncés par la voix grave du maître d'armes et bras droit du souverain, son plus fidèle conseiller.

—Philippe Desglass !

L'homme pénétra le Hall, fier, droit, enveloppé d'une cape sublime, presque transparente, diaphane. Elle flottait dans son sillage, légère comme une brise d'été et indiscernable en même temps. Son armure était composite ; de verre et d'acier, le Duc Desglass marchait avec une jeune Duchesse de vingt ans de moins que lui accrochée à son bras. Grisonnant et bedonnant, le Duc faisait pâle figure avec la Duchesse si jeune et si frêle. Noham ressentit un frisson parcourir son épiderme.

Comme Sarah, elle aussi avait été vendue pour renforcer les liens avec les vassaux de son Duché. Penser à sa sœur tordait son estomac. Allait-elle être présente au conseil ? Il espérait que non, qu'elle resterait en sécurité à Port-Pierre tout comme ses frères.

Le Duc Desglass posa brièvement son regard sur sa fille Prodige puis s'inclina face au haut-roi dans une révérence guindée, la Duchesse l'imitant péniblement et maladroitement. Noham remarqua que personne ne présentât sa femme, et il douta soudainement qu'elle fût sa véritable compagne. Peut-être pavanait-il avec une concubine, accentuant l'effet son sentiment de dégoût.

—Desglass, Desglass, soupira Julken, quel plaisir de vous voir en ce lieu ! Merci d'être venu si précipitamment au Hall de Fer.

—Mon seigneur, ce plaisir est pour moi, croassa le vieil homme dans son armure de verre et d'acier.

Drinksar, de sa voix de stentor, héla le prochain Duc à faire son entrée.

—Duchesse Mariana Desarbres !

Veuve, la Duchesse fit son entrée fracassante ; nulle armure pour cette femme d'une beauté époustouflante, presque intimidante. Elle pénétra dans le Hall de Fer dans une démarche chaloupée, féline, sa longue robe pourpre épousant les formes de son corps avec délicatesse et volupté. Le regard du haut-roi se fit perçant, intéressé par la féminité sauvage de la femme.

L'Héritage des Antiques T1 : Le ConclaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant