L'Héritage des Antiques T1 : Le Conclave

Chapitre 21 : Enchanteresse Evae

Lors des Brûlantes, peu de bateaux traversent le fleuve jusqu'à Havre-Pierre.

Seuls les Creuseurs solitaires sont assez fous, ou la Captain Fanfan, pour s'aventurer durant ces tempêtes.

Témoignage de Paulo

Rives-boise était bien plus grand que le village de la Creuseuse, mais surtout il disposait un clocher, ainsi que d'un port pour le commerce et une auberge portant le doux nom de La Noyée.

Élie s'émerveillait de chaque nouveauté, rendant Ash nerveuse et amusée en même temps. L'antique était joyeux, il avait perdu l'obscurité de son regard. Elle espérait qu'il en serait ainsi pour toujours.

Il ne pleuvait plus, ce qui était en soi une bonne nouvelle et la jeune fille en profita pour repérer le bateau en partance pour Port-Pierre. Elle mena Élie à sa suite, l'arguant de se tenir correctement et de rester vigilant. Desfers était certainement encore à leur poursuite et ils ne devaient surtout pas tomber entre leurs griffes. L'Académie semblait être le seul endroit où ils devaient aller, pour protéger le jeune homme et lui donner une chance de survie. Havre-Pierre était leur destination finale.

Les enchanteurs ne pourraient-ils pas le protéger derrière leurs murs ? Le traiter avec tout le respect nécessaire à un homme comme Élie ?

Ce dernier pointa du doigt le seul navire tanguant sous la force du courant de la rivière Galäb. Le voilier était au port, solidement cordé avec à son bord une femme qui donnait des ordres autant de la voix que des gestes. Ash doutait des capacités de ce vieux rafiot pour voguer jusqu'à Port-Pierre. Consciente qu'ils n'avaient pas le choix, ils s'approchèrent un peu timidement.

La capitaine les repéra.

— Vous voulez quoi, les mioches ? J'n'ai pas le temps avec vous !

— Madame, nous avons besoin de nous rendre à Havre-Pierre et...

— Je vais à Havre-Pierre, petite, je ne m'arrête pas !

A l'évocation de la capitale, Élie redoubla son attention.

— Sans compter que je ne prends pas de passagers minot, seulement des bosseurs, reprit la femme.

Le vent jouait avec les cheveux bouclés de la capitaine à la peau mate. Elle était d'une beauté saisissante, brutale et sauvage à la fois. Portant à la ceinture une épée et deux dagues, elle semblait rompue aux combats et semblait prête à dégainer n'importe quand.

— Paulo ! appela-t-elle en se tournant vers ses hommes. Viens donc par-là ! Occupe-toi de ces minots que je puisse continuer à coordonner les gars !

Un homme aussi fin qu'un clou et à la pomme d'Adam proéminente sortit des cales du bateau. Des cheveux noirs, une peau d'ébène et un regard amusé se posa sur les deux jeunes gens qui, impressionnés par la vivacité de la capitaine, n'osaient pas broncher.

— Vous avez de quoi payer ? s'enquit-il, mais Ash blêmit et fit non de la tête. Fannie ! hurla-t-il vers la femme, ils ne peuvent même pas payer !

— J'm'en tape Paulo ! lui répondit la voix. Les gars, pas comme ça ! La voile doit être cirée avant !

Élie fit un pas en avant, attrapant la main gantée d'Ash. L'homme suivit le mouvement des yeux.

— Des Creuseurs, hein ?

— Nous avons perdu notre caravane lors de l'eau-rage, monsieur, argua la jeune fille d'un ton qu'elle pensait convainquant. Nous ne voulons que retrouver notre famille à Havre-Pierre. Je sais travailler.