L'Héritage des Antiques T1 : Le Conclave

Chapitre 20 : La Lente-mort

Un Conclave qui précède un assassinat est un Conclave maudit.

Proverbe Brunois

Le Hall de Fer se vida sous la régie des gardes royaux. Les Prodiges quittèrent le bâtiment par la grande porte dissimulée derrière le trône du haut-roi, n'emportant avec eux que le strict nécessaire. Les domestiques portaient tout derrière, à la main, dans des paniers ou des brouettes.

Noham descendait, son épée battant son flanc à mesure qu'il empruntait les escaliers souterrains. Eclairés par intermittences, les ampoules antiques clignotaient ou perdaient sensiblement de l'énergie avant de revenir à la vie. La lumière était soufflée dans des bulles de verre, repoussant les ténèbres pour pénétrer dans la cité Pierre.

Il fixait le dos d'Elkir, qui marchait elle-même à la suite de Lionel. Venaient ensuite Alan, Julian, Martha et Julie. Colbert Desorges marchait derrière lui. Tous gardaient le silence.

La descente jusque dans les tréfonds d'Havre-Pierre était longue, mais les marches taillées avec finesse dans un métal luisant rendaient son accès aisé. Leurs précepteurs, lorsqu'ils avaient encore des leçons au Hall de Fer qui n'impliquaient ni épées ni poignards, avaient expliqué que ces constructions étaient antiques et qu'elles ne s'étaient jamais détériorées. La ville souterraine revenait également aux antiques. Comment avaient-ils pu construire pareil édifice ? Cela dépassait l'entendement pour les Brunois moyens, et les enchanteurs passaient la plupart de leur temps à démêler les mystères de leurs ancêtres.

Les escaliers débouchèrent dans une vaste pièce au plafond concave. Ici, la lumière électrique était la seule source de lumière autorisée : les risques d'incendies étant très grands, il n'était pas préférable de jouer avec le feu lorsque l'intégralité des habitants d'Havre-Pierre s'agglutinait sous le sol.

Plusieurs escaliers descendaient encore, mais ils s'arrêtèrent le temps que tous se réunissent et que le haut-roi, tout devant, puisse observer ses Prodiges, l'équivalent de ses enfants et héritiers.

Les Desfers étaient souvent pâles de peau, roux ou blonds, et Julken portait cet héritage génétique avec fierté. Il passa une main dans sa chevelure de feu avant de déclarer que la Saison avait commencé, et que la journée allait débuter par un combat à mort dans les arènes de la ville. Un sourire carnassier mangeait son visage, ce qui ne fit qu'accroître l'inquiétude de Noham.

Il devient fou, il perd la raison., se dit-il.

D'autres Prodiges semblaient arriver à la même conclusion. Alan Desblés affichait une expression contrite, comme s'il avait mal au ventre. Leur arrivée dans la cité fut un soulagement pour une partie des Prodiges. Les gardes-royaux les encerclant pour les protéger, ils avancèrent dans une entrée haute de plafond, au mur peint d'une couleur autrefois blanche, pour passer une ouverture vers un énième escalier descendant. Mais celui-ci était aux dimensions de la voûte rocheuse dans laquelle, telle une perle de lumière, se nichait la vraie vie d'Havre-Pierre, son trésor enfoui.

La terrasse qu'ils traversèrent offrait une vue imprenable sur les constructions plus basses, baignant dans une musique festive. Les rues étaient explosives de joie, des guirlandes étaient suspendues entre les balcons, les caravanes des Creuseurs arrivaient et les fêtes allaient battre leur plein. Noham eut soudainement envie de fausser compagnie à tout ce beau monde. Le jeune homme, exténué, n'avait plus aucune autre idée que celle de s'amuser et de tout envoyer valser un soir. Lâcher prise.

L'entrée dans le manoir royal se faisait par une dernière coursive avant de pouvoir entrer dans son hall et profiter des pièces, des chambres, ou des salons. Noham fila directement vers ses quartiers, près de l'aile est. Cette pièce donnait sur le jardin, un endroit parfait pour se glisser dans la nuit en toute discrétion. Il y avait peut-être quatre mètres d'escalade, mais il s'en sentait parfaitement capable.