Chapitre 13 : Dénonciation

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Il n'existe pas de Duché mieux préparé à la guerre que Desfers.

Extrait de Histoire militaire des Duchés

Académicien de l'ère des Brumes



Les Pelées derrière elle, Ash progressait rapidement dans les bois derrière Grise-Boise, sans se soucier un seul instant des pluies saisonnières. Le ciel était dégagé, l'air était froid, piquant, annonciateur de l'hiver.

La vieille mère était satisfaite de ses repas, dormait bien et la laissait vagabonder à sa guise prospecter les alentours en sa qualité de Creuseuse, ce qui était en soi une merveilleuse nouvelle. Malgré les nombreux eaux-rages, Ash rendait visite à Élie autant qu'elle le pouvait, discutant des heures avec l'antique sans que jamais elle ne se lasse de lui et d'apprendre sa langue. Elle écrivait énormément, apprenait, riait et se sentait elle-même. Sa présence était pour la jeune Creuseuse un baume au cœur et lui donnait l'impression d'être enfin normale. Jamais il ne la jugeait, jamais il ne fixait sa main avec dégoût, jamais il n'avait un mot dur ou méchant à son égard. Il se montrait doux, compréhensif, posant mille questions en hochant la tête.

Élie était un jeune homme formidable, l'ami et le confident. Il n'osait que trop peu sortir du bunker, et cela la rassurait. Les Brûlantes avaient été particulièrement violentes ces premières semaines et l'avoir près de lui procurait au jeune homme la sensation d'être presque chez lui.

La douleur et le chagrin le pénétraient souvent le soir venu, lorsqu'il se couchait pour s'endormir. La jeune fille savait qu'il pensait à sa vie, à ses amis, à ses parents, tous morts depuis longtemps... Il pensait à tout ce qu'il avait laissé derrière lui. Mais Ash semblait illuminer sa sombre existence, souriant à ses visites.

Le jeune homme avait tenté à plusieurs reprises des sorties en combinaison. Les éléments déchaînés le ravisaient, remplissant son cœur d'espoir de voir autant de vie ; les plantes, les forêts, les petits oiseaux nichés à l'abri dans les troncs d'arbres. L'impatience le gagnait à chaque fois qu'il pensait à la fin de la Saison et des merveilles qui l'attendaient. Ash l'accompagnait parfois, emmitouflée dans sa cape en plastic.

Ce jour-là, le cœur gonflé d'un sentiment chaud et doux, elle regagna le village en trottinant sous la pluie. L'averse s'apaisait et un bout de ciel bleu fit son apparition au nord ; quand elle pénétra dans les bois, en direction de Grise-Boise, elle fredonnait un petit air du bout des lèvres.

Le village était calme, les habitants étaient à l'abri dans leurs maisons. Elle fit de même et rentra dans la chaumière de la vieille mère.

Sans se douter un seul instant que son existence basculait à ce moment précis.

—Tout le monde dehors ! DEHORS !

Ash se réveilla en sursaut, les cheveux emmêlés et les yeux collés. Elle sortit du sommeil violemment et quand des coups de poing retentirent contre sa porte, elle sut qu'il se passait quelque chose. En jaillissant dans la salle principale de la chaumière, elle trouva la vieille mère debout, appuyée sur sa canne, en train d'ajuster son écharpe élimée. Elle entraperçut un menton fuyant et une absence de lèvres qui lui donna des frissons d'horreur. Silvergarde la foudroya du regard.

—Va ouvrir, fille, ordonna cette dernière.

Elle obéit, jetant sur ses épaules sa cape coupe-vent. Ash s'était endormie tout habillée, ce qui l'arrangea lorsque le vent glacé de l'extérieur courut à ses pieds. Courir dans les Pelées pour apporter à Élie de quoi se sustenter était fatiguant, surtout pendant les Brûlantes.

L'Héritage des Antiques T1 : Le ConclaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant