Nuit 6

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Dring ! Dring ! Dring ! Le réveil s'était réveillé. Il criait sans relâche en rythme frénétique. Dring ! Dring ! Dring ! Sans interruption et ce depuis plusieurs minutes. Personne n'y avait touché.

Personne ne souhaitait le toucher.

L'enfant dans son lit n'avait aucunement l'intention de mettre fin aux cris du réveil. Depuis plusieurs heures déjà, Jiji regardait fixement la porte de l'armoire. Les sens à l'affut, prête à bondir de son lit au moindre mouvement suspect de la porte.

L'étoile flottante était pourtant bien là. Bien tranquille dans son bocal, en évidence sur la table de nuit. Jiji avait pu, après plusieurs hésitations, en décoller ses doigts et déposer le bocal près du lit. Mais décoller ses yeux de l'armoire demandait trop d'efforts.

Au bout d'un moment, elle crut y déceler du mouvement. Était-ce un geste, un tremblement ? Qu'importe, quelque chose parut bouger de l'armoire.

Alors qu'elle aurait voulu se lever et bloquer la porte, le premier réflexe de Jiji fut de s'enfoncer dans ses couvertures. Ne plus rien voir, ne plus rien risquer. Ne restait que le cri du réveil, il devait éloigner la créature de l'armoire.

Le réveil qui, après un instant, se tut également.

Cette fois-ci, Jiji éclata en sanglots. Elle était au fond de son lit. La chaleur et la douceur de ses couvertures l'entouraient. Néanmoins rien ne chassa l'obscurité et le silence tragique. Alors Jiji pleura, elle continua tant qu'il lui restait de l'eau dans son corps. Elle pleura jusqu'à en avoir mal aux yeux.

Pourtant, par-dessus ses gémissements, il eut un léger bruit, un peu comme une sonnette. Non, pas une sonnette, plus léger encore, plus gaie aussi.

Un carillon ! Le carillon du grelot !

Relevant la tête, Jiji distingua à travers la brume de ses larmes une étincelle dorée approcher frénétiquement. Le grelot d'or, accroché par la cordelette bleue au cou de Puce.

Puce ! C'était Puce !

La petite chienne trottina joyeusement jusqu'à Jiji et lui sauta dans les bras. Il n'eut pas une seule parcelle de fourrure qui ne fut pas caressée par Jiji. Elle étreignit le petit corps chaud de Puce comme si cela lui était vitale. La langue de la chienne parcourra la joue de la petite fille qui se mit à rire.

Après un instant, Puce se dégagea de la prise de Jiji et commença à s'éloigner. Jiji avança la main pour la retenir quand subitement, la tête de Puce pivota vers elle, la fixant intensément.

C'était une invitation à la suivre.

Rester ici, c'était perdre Puce. Bouger, c'était retourner dans la chambre où se trouvait l'armoire, accompagnée de Puce.

Jiji se décida. Elle rampa lentement sur son matelas sans perdre de vue la silhouette de la chienne. Un léger courant d'air froid effleura le visage de l'enfant quand sa tête émergea des couvertures. Puce était toujours là, immobile sur l'oreiller, l'attendant.

L'armoire aussi était toujours là.

Jiji fit de gros efforts pour ne pas y prêter attention. Elle repositionna ses oreillers, prit Puce dans ses mains puis s'allongea dans son lit. Dos à l'armoire.

La petite fille et la petite chienne se regardaient tendrement. Elles veillaient l'une sur l'autre. Cette pensée permit à Jiji d'enfin glisser vers le sommeil.

Juste avant de se faire lécher le nez.

Bonnenuit, à demain.

Bonne nuit JijiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant