Nuit 14

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Une fois de plus, le réveil n'eut le temps de pousser qu'un balbutiement avant d'être interrompus dans sa plainte. Il n'en fallut pas plus pour sortir Jiji de son sommeil. Passant la chaine du crayon autour de son cou, elle prit le bocal et Puce avant de se diriger vers le mur de sa chambre, celui en face de son lit. Celui-là même contre lequel se tenait la commode.

Ce fut là que Jiji déposa le bocal et Puce, pour une meilleure lumière ainsi qu'une meilleure audience. Prise d'une excitation atteignant son paroxysme, la petite fille, armée de son crayon, entreprit de recouvrir le mur de dessin.

Elle commença par redessiner de l'eau, de simples vagues qui produisirent une flaque qui s'écrasa sur les pieds de la petite fille. Elle voulut ensuite reproduire une des feuilles brunes et sèches composant le tas lui ayant amené le crayon. À sa grande joie, une réplique de cette feuille se détacha du mur et virevolta autour d'elle. Dans le même esprit, elle dessina un mouchoir, un bocal, un poisson en peluche, un grelot et même un autre réveil !

Convaincue par les prodiges du crayon, Jiji se mit à dessiner ce qui l'intéressait vraiment, une clé !

Une petite clé à tête creuse, de couleur bronze et longue comme le doigt. En la saisissant, Jiji eut du mal à ne pas trembler d'émotion. Elle alla ensuite jusqu'à la porte de sa chambre où, prenant une inspiration, elle inséra la clé dans la serrure. Elle correspondait. La clé tourna, un clic se répercuta jusqu'aux oreilles de Jiji. Alors, pleine d'espoir, elle abaissa la poignée de la porte et la tira.

Rien, il ne se passa rien.

Et subitement, la clé disparut.

Affolée, Jiji reprit le crayon et dessina de nouveau la même clé. Mais elle eut beau la tourner dans tous les sens, la porte resta immobile. Elle réessaya avec une autre clé deux fois, trois fois. Rien. Et toujours, les clés finissaient par disparaitre. Jiji remarqua alors que tous ce que le crayon avait matérialisé s'étaient envolés. Il ne restait rien.

Jiji était furieuse. Anéantie et furieuse à la fois. Tout ce pouvoir de création vaincu par une porte. Folle de rage, elle tira les rideaux de la chambre, ouvrit la fenêtre et jeta le crayon dans la nuit, aussi fort qu'elle le put. Après quoi, elle referma la fenêtre, récupéra le bocal ainsi que Puce et disparut sous ses couvertures. Elle ne voulait ni voir ni ressentir quoique ce soit, juste ne plus penser à rien.

Bien cachée, elle ne vit ni n'entendit la fenêtre se rouvrir, ni le crayon revenir dans la chambre.

Bonne nuit, à demain.

Bonne nuit JijiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant