Chapitre 3

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Ethan

Je m'étais dépêché de rentrer après les cours pour avoir le temps de passer voir ma mère avant la fin des visites. Aujourd'hui, elle allait mieux. Enfin, je ne savais pas si dire qu'elle « allait mieux » était vraiment possible. Elle avait des phases d'oublis et cela la gênait plus ou moins. En règle générale, c'était plus pour son entourage que c'était difficile. Aujourd'hui elle était à peu près au clair dans sa temporalité et se souvenait de moi et des dernières années. Plus ou moins clairement. Donc pour moi, ça allait.

On avait donc pu parler de Nate et de mes études... Je lui avais parlé du football et de grand-mère, des mecs et de la coloc. En clair de tout sauf de son mari et de son dernier fils. J'avais vu dans ses yeux et dans certains de ses mouvements qu'elle avait des questions à poser sur le sujet, mais j'avais fait en sorte de la couper avant qu'elle ne puisse les poser. Je savais que j'évitais juste le problème mais pour une fois qu'elle savait qui j'étais, je ne pouvais pas tout gâcher et la faire pleurer.

Je n'étais pas sûre qu'elle pense qu'ils étaient toujours là ou si elle était au clair sur la situation mais, dans le doute, je préférais l'éviter.

C'était sûrement une des phases les plus dure de l'Alzheimer : on ne savait jamais à quoi s'attendre : de quoi et de qui elle se souvenait, du passé lointain ou prêt, si elle savait qui se trouvait face à elle ou non.

Voire cette femme si forte devenir de plus en plus maigre et fragile était juste insoutenable. Alors j'étais heureux de retrouver ma mère pour quelques instants : de pouvoir rire et parler. Sans entrer dans les moments plus sombres de notre histoire commune.

– Comment va-t-elle ?

Attablé à table face à mon petit frère, je tendis l'assiette à ma grand-mère, laquelle je venais de remplir de chili con carne.

– Elle allait bien. D'ailleurs, je pensais emmener Nate lui rendre visite demain si elle se porte aussi bien.

A cette suggestion, ma grand-mère hocha la tête tout en portant une fourchette de riz à sa bouche. Mon petit frère me regarda l'air heureux.

– Elle va mieux maman ?

Je lui souris.

– Elle va bien. Fatiguée, mais elle va bien. Tu vas peut-être lui rendre visite demain mais je vérifierais en premier qu'elle soit assez en forme pour ça d'accord ?

Il hocha sa petite bouille, tout content de la nouvelle et avala une grande bouchée de son chili.

– Alors, comment c'était l'école p'tite tête ?

– Super ! On a une nouvelle maîtresse car celle de d'habitude est malade.

– Elle s'appelle comment ?

– Elle s'appelle Jocelyne et elle est très gentille. Elle m'a dit que j'avais très bien travaillé, fit-il en enfournant une nouvelle bouchée d'un air gourmand.

Je le comprenais, le chili de notre grand-mère était une bénédiction à lui tout seul. L'avoir avec nous, elle et ses petits plats l'était également. Mon visage devait ressembler au sien après avoir, à mon tour, porté une fourchette remplie, à ma bouche. Bon sang, je plaçais également : manger les repas de ma mamie, dans le top 3 des choses les plus agréables et jouissives à faire et à vivre.

– Ah mais ça, c'est par ce que nous sommes tous très intelligents dans la famille.

Il éclata de rire devant mon air conspirateur. Le son enfantin de celui-ci me combla de joie. Je me tournais vers ma grand-mère.

– Et toi ta journée ?

– Très bien. Je suis allée au marché où j'y ai croisé Leila. Elle m'a demandé de tes nouvelles.

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