Prologue

69 6 0
                                    

Le 6 avril 2028, Daniel Cazalier roule à toute allure, les vitres baissées, la musique rock à fond dans l'habitacle. Après quelques kilomètres, il arrive devant un garage en périphérie. La grande porte est ouverte, et sans ralentir, il s'engage à l'intérieur. Un mécanicien, penché sur le moteur d'une autre voiture, lève la tête à l'approche de l'automobile. Un sourire éclaire instantanément son visage.

— Espèce de petit voyou ! lance le garagiste en riant.

— Salut Étienne, tout va comme tu veux ?

— Ouais, ça roule ! Allons discuter à l'abri des regards, tu veux ?

Ils se dirigent vers l'intérieur du bâtiment, et croisent un homme quittant les lieux.

— Au revoir monsieur Riqueti, à demain, lance l'individu au gérant du garage.

Étienne Riqueti, la cinquantaine, trapu, et d'à peine un mètre soixante-cinq, est chauve. Sa peau est pâle et une épaisse barbe blonde lui encadre le menton, accentuant son sourire presque permanent. En entrant dans le bureau, il referme la porte derrière eux.

— Alors petit, ça fait des mois que tu ne donnes plus signe de vie. Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as arrêté de courir ? demande-t-il en souriant.

Daniel hausse les épaules, l'air détendu.

— Avec l'hiver, on avait arrêté. Certains gars ont continué, mais moi, je prends soin de mon bébé, tu comprends ? Je sais que tu attends impatiemment ton pourcentage.

— Il faut bien quelqu'un qui répare ton « bébé », et surtout qui te couvre de la police, répond-il en levant son index.

— Justement, je suis venu te voir pour ça. J'ai eu un accident en reprenant les courses : ma voiture est dans un fossé, dans un coin paumé. Elle ne démarre plus.

Le garçon s'avance légèrement et sort un papier de sa poche, avant de poursuivre :

— J'y ai indiqué la localisation exacte. Pas d'électronique pour-

— Pour éviter le traçage, je sais. Tu n'as pas été blessé, j'espère ?

— Non, t'inquiète.

— La police a repéré ton véhicule ?

— Peut-être. Mais je m'en fous. Ce que je veux, c'est qu'elle roule à nouveau, et vite.

Étienne fronce les sourcils, son air habituellement détendu se faisant plus sérieux.

— T'as remarqué que la police était portée disparue, ces temps-ci ? On ne les voit presque plus. Et quand ils sont là, ils semblent se foutre de ce qui les entoure. Comme s'ils avaient plus intéressant à faire.

— Quoi, il y a un tueur en série en liberté ? s'amuse le jeune homme.

— Petit, ce n'est pas le moment de déconner. Je n'ai jamais vu les forces de l'ordre aussi peu attentives que ces derniers temps. Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais ça ne présage rien de bon.

— T'en fais des caisses, tout va très bien.

Le garagiste le fixe un instant, puis hausse les épaules. Il tend la main pour prendre le papier sur lequel le jeune homme a noté l'emplacement de la voiture. Le cinquantenaire réagit aussitôt :

— Je vais la récupérer demain. Elle sera prête avant la fin de la semaine.

Satisfait, Daniel sort une liasse de billets et la pose sur le bureau.

— Merci, Étienne. T'es le meilleur.

Ils se saluent et le garçon remonte dans sa voiture. Il démarre et traverse de nouveau la ville. Décidant d'aller chercher un plat à emporter – un drive –, il se rend dans un fast-food et entre dans la file. Après avoir commandé à la borne, il roule jusqu'à la station de réception du plat. Un employé, visiblement stressé, s'avance à la fenêtre :

— Bonjour monsieur, votre commande a un peu de retard, on est surchargés. Je suis vraiment désolé.

— Tranquille, j'ai tout mon temps.

Alors qu'il attend, son regard se pose sur le parking. Deux jeunes femmes sortent du fast-food. L'une d'elles, une brune aux yeux pétillants, capte son attention. Il la fixe quelques secondes, un sourire en coin, avant de murmurer pour lui-même :

— Je crois que je viens de tomber amoureux.

Voyant qu'elles s'approchent d'un véhicule stationné et s'apprêtent à partir, il s'impatiente.

— Allez, dépêche-toi, chuchote-t-il en regardant en direction de la fenêtre.

Toujours pas de commande en vue. Daniel sort brusquement de sa voiture et marche vers les deux amies. Il les rattrape alors qu'elles s'apprêtent à monter dans leur voiture.

— Salut !

Elles s'arrêtent, surprises. La brune, celle qui a attiré son regard, plisse légèrement les yeux.

— Euh... Salut. Est-ce qu'on peut t'aider ?

— Non. Je voulais juste te dire que je te trouve très charmante, lâche-t-il avec un sourire confiant.

Un court silence suit. Elle le regarde, d'abord intriguée, puis sourit à son tour.

— Ça t'arrive souvent, d'aborder des filles sur un parking ?

— Honnêtement ? Non, c'est la première fois. Comment vous vous appelez ?

— Je m'appelle Manon. Et voici Zoé.

— Salut, dit-elle timidement en saluant le garçon d'un signe de main.

Elles ont une vingtaine d'années, une silhouette élancée, une peau claire, et mesurent environ un mètre soixante-dix. Manon, avec ses longs cheveux bruns et ses yeux bleus, a un sourire radieux qui explique facilement pourquoi Daniel a été séduit. Tandis que Zoé a des cheveux blonds mi-longs avec une frange, des yeux marron et porte des lunettes. Elle semble un peu plus réservée.

— Et toi, quel est ton prénom ? demande la brune pleine d'assurance, curieuse.

— Je m'appelle Daniel, et-

Avant qu'il ne puisse en dire plus, des klaxons retentissent derrière lui. Un conducteur impatient s'agace de voir le jeune homme hors de sa voiture. Les deux amies rigolent légèrement.

— Tu ferais bien d'y retourner, conseille Manon. Est-ce que tu veux garder contact ?

Il hoche la tête, visiblement ravi, et sort son téléphone. Elle entre son numéro, puis lui rend l'appareil.

— Promis, je t'appelle bientôt, assure-t-il.

Puis, il retourne à sa voiture afin de récupérer sa commande.

— Il est beau, tu as de la chance, lance Zoé.

— C'est vrai, et j'ai bien aimé son approche. Il n'a pas eu peur, on va dire.

— J'aimerais bien qu'un garçon comme lui vienne me parler, un jour, souffle-t-elle en baissant les yeux.

— Ça t'arrivera, tu le sais. Tu es belle, arrête de te sous-estimer.

Elles regardent leur nouvelle connaissance s'éloigner dans la circulation. Manon lui fait un signe de la main, tandis que Zoé lui offre un sourire discret. La voiture de Daniel disparaît peu à peu dans le flot des véhicules.

La Mort en Mouvement : AbolitionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant