2] Le Hangar

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Au bout de quelques minutes de marches, après de longs couloirs et de nombreux escaliers traversés, ils arrivent dans le hangar des préparations et expéditions de commandes.
Comme dans tout le reste de l'Usine: aucune fenêtre, aucune possibilité de fuite. A l'exception du grand rideau de fer -continuellement gardés par deux hommes armés- qui s'ouvre et se ferme uniquement pour l'arrivée et le départ des camions.
Dans le hangar, plusieurs trafiquants s'affairent autour de deux caisses en bois. Elles sont vides. Plus pour longtemps...

Les regards se posent sur A15. Elle qui est bientôt majeure. Elle qui n'a jamais eu ses règles. Elle qui n'a jamais été touchée par personne. Elle qui n'est pas menottée. Elle que Lui semble protéger. Elle qui semble avoir des privilèges en comparaison d'autres esclaves. Son statut interroge, et les regards sont plissés et vicieux.
Mais Lui ne se soucie en aucun cas de ça. Ils ne peuvent rien faire à A15 sans son autorisation, et il ne se soucie pas des rumeurs.
Il lui ordonne, sur ce son calme habituel:

-Attends ici. Elles vont arriver.

Elle s'exécute. Reste sagement debout à côté des caisses en bois et de la table où repose les outils de préparation, et garde les yeux baissés pour ne croiser aucun regard.

Lui est devenu le propriétaire de tout ceci quatre ans plus tôt, à vingt-deux ans à peine, à la mort de son père. Beaucoup pensaient alors pouvoir renverser le pouvoir, ou changer certaines choses au sein du trafic, mais sous ses airs sereins et doux, Lui s'est avéré encore plus féroce et puissant que son père ne l'était. Ce dernier refusait d'agrandir le trafic en y ajoutant les enfants. Et son fils a suivi sa voie. Il ne veut pas vendre des mineures impubères, ce qui n'est pas au goût de tout le monde dans les hautes sphère du trafic, car la demande pédophile est énorme, et ils se font manger une grosse part du marcher à cause de ce principe.
A15 a grandit dans l'Usine. Elle y est née. Sa mère était une femme comme elle, une esclave destinée à être vendue. Violée par un trafiquant, comme cela arrive si souvent, elle en est tombée enceinte.
Les nourrissons se vendent très chers. Sans cette règle imposée par l'ancien parrain, elle aurait été vendue à peine ayant vu le jour.

-Les voilà. Sois efficace, nous sommes déjà en retard.

A15 hoche la tête. Elle ne veut pas le décevoir.
Deux femmes complètement nues, aux chevilles menottées, accompagnées de deux trafiquants, arrivent dans le hangar. Elles sont terrorisées, pourtant aucun son ne sort de leurs bouches. La peur les étrangle.
Elles sont plus âgées qu'A15. Peut-être ont elles vingt-cinq ou vingt-six ans. Elles n'ont pas grandi ici, elles, pas élevées en captivité. Elles ne sont que de passage dans l'Usine. Elles ont été kidnappées, quelque part en Europe de l'Est sans doute. Elles ne reverront jamais leurs familles, leurs amis, ni aucune chose qu'elles ont pu connaître. Elles ont sans doute fait confiance à la mauvaise personne, au mauvais moment. Et les voilà ici.
A vu d'œil, et par expérience, A15 se dit qu'elles sont sans doute des C. Une bonne catégorie, mais pas la meilleure. Elles sont jolies, mais elles ne sont pas vierges, elles n'ont pas de caractéristiques particulières, et elles n'ont pas été dressées. Ce sont les filles qui se vendent le plus, car elles restent abordables, sans être décevantes.

Arrivées devant elle, A15 ne perd pas de temps. Elle prend sur la table une cordelette et regarde la feuille de commande où le client a noté ce qu'il souhaitait comme préparation d'envoie. Elle n'a appris à lire que récemment, précisément pour être utile ainsi. C'est Lui qui lui a appris.
A15 montre à la première fille comment positionner ses bras, devant sa poitrine, comme une prière. Elle tremble, elle la supplie du regard, mais elle obéit. Aussitôt, A15 lui ligote les bras dans cette position avec une dextérité étonnante. Elle connaît ces gestes par cœur, elle les répète chaque jour.
Pour la seconde, elle lui attache les bras dans le dos. Puis des trafiquants portent les deux filles et les mettent dans les boîtes. Celle en position de prière sur le dos, la seconde sur le côté, toutes les deux mes jambes repliées sur elles-mêmes pour pouvoir rentrer dans les caisses. Cette fois, elles commencent l'une et l'autre à réellement s'agiter, paniquer...
Finalement, des premiers mots sortent, désespérés:

-жаль... пожалуйста, нет!

A15 ne comprend pas. Et elle ne veut pas comprendre. Elle ne doit pas avoir pitié, elle ne doit pas se prendre d'affection pour elles, encore moins vouloir les aider. Sa propre survie en dépend. Elle veut pas être punie, et de toute façon, ces deux filles sont perdues, c'est trop tard pour elles, il n'y a plus rien à faire. Si elles veulent survivre, alors elles apprendront vite à rester sages et obéir, et avec un peu de chance, elles tomberont chez un acheteur assez clément qui ne veut pas les tuer ou les torturer mais simplement en faire des esclaves sexuelles. C'est de loin le meilleur sort de chaque fille ici peur espérer, car il n'y a aucune autre issue. Pas même pour A15... et elle le sait.

Celle qui n'a pas de nomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant