Prisonnière de cette chambre sans fenêtre, A15 n'a rien d'autre à faire que d'explorer. Elle observe en détails chaque objets. Elle allume et éteint plusieurs fois les lampes, amusée de voir que pour la première fois de sa vie c'est elle qui décide si elle doit se trouver dans l'ombre ou la lumière. Ce semblant de pouvoir lui donne du baume au cœur. Après tout, peut-être qu'Adèle est réellement gentille et est en train de lui offrir une meilleure vie...
La jeune femme a un élan pour se mettre au lit, juste pour sentir la douceur des draps et le moelleux du matelas, mais elle se retient. Elle ne veut pas découvrir ces sensations en étant sale.
Elle n'a aucune idée du temps qu'elle a pu passer dans la caisse, mais elle commence à sentir la transpiration. Elle va donc dans la salle de bain et en voyant les toilettes réalise à quel point ses intestins ont subi tout son stress. Elle angoisse de ne pas avoir un simple seau, puisque c'est ce qu'elle a utilisé toute sa vie, mais finalement s'assoit timidement sur la cuvette pour se soulager. Lorsqu'elle termine, le principe même de la chasse d'eau est une révélation, n'étant pas condamnée à rester avec la vue et l'odeur de ses excréments jusqu'à ce qu'on ait la bonté de vider son seau...
Enfin, le moment qu'elle attendait peut être le plus: la douche.
Elle monte dans la baignoire et prend le pommeau et tourne un des deux robinets au hasard. Alors, une pluie lui tombe sur la tête et la fait sursauter. Elle panique et referme le robinet, comprenant qu'elle vient de déclencher l'eau sortant du carré argenté au plafond. Elle se sent idiote et tourne le robinet dans l'autre sens et cette fois le pommeau fonctionne.
L'eau est d'abord glacée, et elle commence immédiatement à se laver. Mais en quelques instants, l'eau se réchauffe, devient tiède, puis très chaude. A15 écarte l'eau de son corps, ne comprenant pas. Des frissons recouvrent son corps. Elle fronce les sourcils et arrête l'eau pour pouvoir se laver, mais découvre une multitude de produits à sa disposition. Elle prend le premier sur lequel est inscrit gel douche, puis un autre avec shampoing et se lave de font en comble.
C'est la première fois de sa vie qu'elle n'est pas épiée en se lavant, et cela lui fait bizarre. Elle a un sentiment d'insécurité étrange, comme si n'importe quoi pouvait lui arriver d'un instant à l'autre.
Elle souhaite vite en finir. Elle rallume l'eau et ne parvient même pas à profiter du fait qu'elle ne soit pas froide. La sensation est trop nouvelle, et son cerveau ne parvient pas à intégrer tout ce qui est en train de se passer, tous ces petits éléments futiles mais qui sont le résumé de toute sa vie...Elle sort de la baignoire et prend une serviette, plus fébrile que jamais. Elle n'est pas à l'aise, et elle ne peut s'empêcher de penser qu'elle aimerait simplement être dans sa cellule en cet instant, même si Lui avait décidé de ne plus jamais lui rendre visite, elle s'en serait contentée.
Elle retourne dans la chambre et va vers l'armoire. Elle regarde les différentes tenues. Rien ne se rapporte de près ou de loin aux combinaisons grises qu'elle a porté depuis sa naissance. Il n'y a que des robes, plus ou moins longues, plus ou moins colorées.
Cela l'énerve et lui fait peur. Elle referme l'armoire en la claquant et décide de se mettre au lit, nue, emmitouflée en boule dans les couettes.
Là, la pression se relâche enfin, et A15 fond en larmes. Ses sanglots sont ceux qu'une petite fille apeurée, tandis que des dizaines de questions se bouleversent dans son esprit.
Pourquoi Adèle l'a-t-elle achetée? Que lui veut-elle? Va-t-elle se relever un monstre cruel, ou n'est-elle rien d'autre que ce qu'elle a laissé paraître?
A15 n'a aucun élément de réponse. Et elle finit par simplement s'endormir, sans même s'en rendre compte, les joues encore humides de larmes.
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Celle qui n'a pas de nom
TerrorA15 n'a pas de prénom. Elle n'en a jamais eu. Elle n'est qu'un objet doté d'un numéro. Elle n'est jamais sortie de l'Usine, l'épicentre du plus gros trafic de femmes d'Europe. Mais bientôt, elle aura 18 ans. Bientôt, elle sera vendue. ! Lecture po...