12] Plateau-repas

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A15 se réveille en sursaut lorsqu'elle entend la porte se fermer bruyamment. Elle s'assoit aussitôt dans le lit, avec l'impression d'avoir dormi bien trop longtemps ou bien trop peu. Sa tête est lourde et sa bouche pâteuse.
Devant elle, Adèle est entrée, un plateau dans les mains.

-Il est 19h...

A15 regarde l'horloge. La petite aiguille est entre le 6 et le 9, et la grande pointait le 12. Elle se demande un instant si il faut additionner le 12 avec autre chose jusqu'à obtenir 19, mais elle n'a pas le temps d'y réfléchir davantage qu'Adèle vient déposer le plateau sur la table de chevet.

-Mange.

C'est un ordre, mais cela sonne plus comme une invitation. Sa voix n'est pas aggressive, simplement ferme, mais elle parait toujours gentille.
A15 regarde le contenu du plateau. Il y a un bol de soupe, un steak saignant et du riz. C'est simple, mais exceptionnel. La viande ne lui était donné que très rarement dans son ancienne vie. Cela est trop cher pour en donner trop souvent à des esclaves.

Elle hésite une seconde mais son ventre gargouille et la trahit. Adèle a un petit sourire amusé.
A15 prend le plateau sur ses cuisses et se met à manger, en commençant par le steak. La couverture couvre le bas de son corps mais ses seins lourds restent nus. Elle s'en moque. Le concept de pudeur ne lui a jamais été enseigné, pas plus que savoir lire l'heure, ce qu'est l'eau chaude ou les bonnes manières. Adèle semble également s'en moquer. Elle la regarde manger quelques instants puis finit par dire:

-Tu as pu regarder les produits de beauté dans la salle de bain?
-J'ai utilisé du savon et du shampoing, répond-t-elle la bouche à moitié pleine.
-Je parlais plus de maquillage...

A15 sait ce qu'est la maquillage, mais elle n'en a jamais porté. Elle connaît certaines choses de la vie, de la nature et de la société grâce aux livres que lui offrait Lui, en commençant par des imagiers dans son enfance, puis avec un dictionnaire et des livres théoriques sur des sujets variés par la suite.

-Je n'ai pas... regardé.
-C'est dans la trousse sur le lavabo. Je peux te maquiller si tu veux.

A15 cesse de manger. Elle pose sa fourchette le front plissé, et regarde la femme droit dans les yeux.

-Pourquoi faire?
-Pour que tu sois belle.
-...Pourquoi faire?

Adèle sourit.

-Non finalement tu as raison. Reste naturelle pour ce soir, ça rajoute à ta jeunesse, et à ta fougue. En revanche, tu te dois mettre quelque chose sur le dos.

Elle ouvre l'armoire, prend une robe florale, un soutient gorge et une string en dentelles mauve, ainsi que des escarpins pastels.

-Tu vas mettre ça.

Pour la troisième fois, A15 répète:

-Pourquoi faire?
-Parce qu'on ne reste pas nus toute la journée dans le vrai monde. Finis ton repas, vas te laver les dents et habille toi. Lorsque tu es prête, frappe à la porte.

Adèle s'apprête à partir, mais A15 dit alors:

-Et si je ne le fais pas?

La femme tourne son visage vers elle et la fixe un instant, sans un mot. Alors, A15 voit dans son regard quelque chose de nouveau, une lueur. Pourtant son visage n'est pas froissé, ses sourcils ne sont pas froncés. Mais cette lueur lui retire toute envie de voir ce qu'il se passerait si elle se mettait en tête de ne pas obéir...

Celle qui n'a pas de nomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant