10] Le Coeur de la boîte

4.8K 381 31
                                    


D'elle-même, A15 entre dans la boîte, et s'y allonge sur le dos, les jambes relevées contre elle comme on le lui a demandé. Elle a préparé tant de filles, elle sait parfaitement comment se positionner... Mais elle redoute maintenant ce qui peut bien être inscrit sur le feuille de commande. Va-t-on attacher ses seins? Menotter ses chevilles? Violer ses orifices?
Finalement, celle qui a pris sa place, une gamine pré-pubère, se contente de lui mettre un bâillon et d'attacher ses poignets à ses chevilles.
La boîte est alors refermée, et l'obscurité n'est trahie que par les quelques trous qui permettent de laisser passer l'oxygène. Aussitôt le cœur d'A15 s'accélère. Ça y est: sa vie ici est finie.
Trop de questions se bouleversent dans son esprit, si bien qu'elle ne réussit même plus à réfléchir et assembler des idées claires. La panique l'envahît, enfermée dans cette boîte et un sentiment de claustrophobie insupportable lui enserre la gorge. Sa respiration s'accélère, sa poitrine monte et s'abaisse trop rapidement, et la position dans laquelle elle se trouve ainsi que son baillon l'empêchent de correctement reprendre son souffle. Elle sent la boîte être soulevée de terre et être mise à l'arrière d'un camion. Par un des trous, elle voit le hangar, les trafiquants, et au milieu Lui, qui regarde la boîte. Il ne la voit pas. Elle aimerait lui hurler de ne pas la laisser partir, d'avoir pitié d'elle. Mais il est trop tard désormais.
Lorsque les portes du camion se ferment, et que la jeune fille se retrouve tout à fait dans le noir, son cœur pulse encore plus vite, et sa respiration se saccade tant qu'elle en perd finalement connaissance, abrégeant au moins pour un temps ses souffrances.

C'est le bruit des clous déchirant le couvercle de la boîte qui tire en sursaut A15 de son sommeil son rêve. La lumière l'aveugle et elle ne voit rien durant quelques instants avant de deviner une silhouette penchée au dessus d'elle.
Son coeur est prêt d'exploser de terreur.
Elle sent une main frôler ses chevilles et s'apprête à hurler dans son bâillon, mais alors, elle sent les liens être défaits, et avant qu'elle ne comprenne ce qui se passe une voix féminine s'élève:

-Allez sors de là, à moins que tu ne veuilles y rester, mais ne compte pas sur moi pour te porter.

A15 est désemparée, mais elle ne sait pas quoi faire d'autre alors elle obéit et sort de la boîte. Elle retire son bâillon en observant l'endroit où elle se trouve et découvre une chambre. Du moins c'est comme ça qu'elle avait imaginé être ce que cela est. Un grand lit aux beiges et immaculés trônait au centre de la pièce. Une armoire, une table de nuit, un fauteuil et un petit bureau étaient les autres meubles de la pièce, complétés par de jolies lampes murales et de chevets. Les murs étaient d'un beige doux et le parquet de chêne était recouverts de plusieurs tapis dont les poils chatouillaient les pieds d'A15. En revanche, aucune fenêtre.
Devant elle, une femme d'une cinquantaine d'années, au cheveux grisonnants tirés en chignon, vêtue d'une robe longue et noire.

-Je m'appelle Adèle.

A15 était muette, incapable de comprendre ce qui était en train de se passer, mais Adèle ne semblait pas surprise, ni par ca ni par sa nudité totale. Elle était détendue et nonchalante, mais ne semblait pas cruelle. Était-elle sa propriétaire? A15 l'espérait...

-Il y a des vêtements dans l'armoire. Et dans la salle de bain tu trouveras tous les produits nécessaires dont tu pourrais avoir besoin.

A15 se retourna, et découvrit derrière elle une porte entrouverte qu'elle n'avait pas remarqué et aperçu à l'intérieur des toilettes et une baignoire. Mais elle n'eut pas le temps d'observer davantage que la femme se remit à parler.

-Je viendrai t'apporter ton dîner à 19h.

Elle pointa du doigt la petite horloge en bois au mur. A15 ne savait pas lire l'heure.

-En attendant tu peux te laver, t'habiller et te reposer, tu en as sûrement besoin... Moi je vais te libérer de cette grosse boîte encombrante.

Et sur ces mots elle saisit les rebords de la boîte désormais bien plus légère dans laquelle A15 était arrivée sans même s'en rendre compte. Elle ouvrit la porte près du bureau et la jeune fille ne put voir qu'un bout de couloir vide avant qu'Adèle ne sorte avec la boîte et referme la porte. Elle entendit un cliquetis: la porte avait été verrouillée. Elle n'avait pas besoin de tourner la poignée pour le deviner.
C'était une précaution essentielle, pourtant A15 n'avait pas tenté de fuir avant cela, était la femme devait se douter qu'elle réagirait ainsi - autrement dit qu'elle ne réagirait pas - car elle ne semblait par sur ses gardes et n'était ni accompagnée, ni armée.

A15 avait l'impression d'être dans un rêve. Elle ne savait pas si tout ceci était bon signe, ou allait se révéler un véritable cauchemar, mais elle était encore sous le choc de tout ce qui venait de se passer en si peu de temps...

Celle qui n'a pas de nomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant