Chapitre 2

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2 - Chûya : Première journée

C'est ma deuxième année dans ce lycée et j'appréhende terriblement cette rentrée.

En fait, ici, on se voit assigner un.e partenaire au début de l'année, le but étant de s'entraider pour les devoirs et de faciliter les rencontres pour les nouveaux.

L'année dernière, je suis tombé sur un certain Lovecraft. Un gars vraiment étrange, toujours un peu perdu, qui ne m'a pas aidé le moins du monde. J'espère que je m'entendrai mieux avec celui de cette année.

J'avale en vitesse mon petit déjeuner. Hors de question d'être en retard dès le premier jour.

- Chûûuuyaaaaa ! Tachi dit que mon uniforme est moche !

Je soupire en me tournant vers ma petite sœur. Elle entre en école primaire aujourd'hui, et mon frère plus âgé n'a pas pu s'empêcher de l'embêter.

- Tu es magnifique, ne t'en fais pas, je réponds sur un ton rassurant. Tachihara raconte toujours n'importe quoi.

Ma sœur sourit, ravie. Je l'aide à ajuster sa veste et à mettre ses chaussures. Je n'ai pas pu finir mon petit déjeuner, mais tant pis.

Ma mère court dans toute la maison, cherchant ses affaires et rassemblant tout le monde pour partir. Avoir quatre enfants n'est pas toujours facile.

Enfin, tout le monde est prêt à partir. Ma mère nous dépose, Tachihara et moi, devant l'arrêt de bus, puis se dépêche de repartir pour emmener les filles.

On attend en silence avec une dizaine d'autres personnes, puis une fois dans le bus, on cherche désespérément où s'asseoir. Je trouve une place près d'une ancienne connaissance, et Tachihara, qui s'y est vraiment mal pris, reste debout.

Après un quart d'heure de trajet, je passe le portail et me dirige directement vers le hall où sont affichées les listes. Je suis en Première A, et je repère les noms de plusieurs connaissances dans la liste. Déjà une bonne nouvelle.

Ensuite, je cherche la liste des partenaires de ma classe, et suis les lignes jusqu'à trouver le nom inscrit à côté du mien.

Osamu Dazai.

Je le connais pas. J'ai hâte de voir si on s'entendra bien...

On retrouve quelques amis de l'année dernière et échange avec eux les nouvelles de l'été. Akutagawa n'est pas sorti de chez lui, Atsushi s'est cassé une jambe en glissant dans sa douche, ce qui lui vaut de passer la rentrée avec des béquilles, et Gin reste silencieuse, comme toujours, hochant simplement la tête quand on lui demande si elle va bien.

À la sonnerie, on se dirige vers la salle qui était indiquée sur notre liste, puis on s'installe en attendant l'arrivée de notre prof principal. Je m'assieds vers le fond et attends de voir arriver mon partenaire en passant le temps sur mon portable.

Soudain, je redresse la tête, surpris par la main posée sur ma table.

Le gars qui se trouve en face de moi, à me regarder de haut, est vraiment particulier. Il porte des bandages sous son uniforme, au niveau des bras et du cou. Ses cheveux châtains sont ébouriffés comme si il sortait de son lit, et ses yeux bruns me mettent automatiquement mal à l'aise. Je remarque aussi sa maigreur inquiétante et le fait qu'il soit beaucoup plus grand que moi – ce que je trouve affreusement vexant.

- C'est toi, Nakahara Chûya ? demande-t-il d'un air détaché.

- Oui, je réponds en désignant la chaise près de la mienne pour qu'il s'installe. Tu es Dazai, c'est ça ?

Le dénommé Dazai hoche la tête et se laisse tomber lourdement sur sa chaise.

Pendant toute la matinée, j'essaye d'entamer une discussion avec lui, mais il ne répond que par des signes de tête ou des monosyllabes. À un moment donné, il se tourne même vers moi en me jetant un regard noir :

- Tu vas pas la fermer ?

- Pardon ?!

Il ne prend même pas la peine de répondre. Qu'est-ce qui lui prend ? Les premiers cours de l'année ne servent qu'à répéter encore et encore les mêmes règles et à se plonger doucement dans l'enfer du travail. Je ne suis pas insupportable non plus, si ?

Après ça, je me contente de l'observer du coin de l'œil, résistant à une forte envie de le frapper. Je sens que cette année va être encore pire que la précédente...

Je propose quand même à Dazai de manger avec moi pour la pause du midi, mais il part dans son coin sans m'adresser un regard. Vraiment énervé cette fois, je retrouve mon groupe d'amis et leur explique la situation.

- Essaye une autre approche, tente Kenji.

- Hmm...

Tachihara choisit ce moment pour nous rejoindre.

- Tu es tombé amoureux ? Je peux t'aider ! propose-t-il en prenant une bouchée de son plat de pâtes.

Je soupire :

- Non, abruti, ça n'a aucun rapport.

- Dommage.

Je termine mon repas, plongé dans mes pensées. Les autres me regardent d'un air inquiet, mais je n'en ai pas grand chose à faire.

Je sens que je ne vais pas réussir à le supporter, ce Dazai...

Les cours de l'après-midi se passent sans aucun changement de comportement de la part de mon partenaire. Je ne lui adresse pas la parole du reste de la journée.

Le soir, je rentre chez moi, toujours dans le même état. Dazai... Je n'arrive pas à savoir ce qui cloche chez lui. Il est froid, distant, mais a aussi un côté fascinant que je n'arrive pas à m'expliquer. Et puis, j'ai l'impression qu'il me rappelle quelqu'un...

Je suis allongé sur mon lit depuis une bonne heure quand ma mère ouvre doucement la porte de ma chambre.

- Chûya ? Tout va bien ? Tu n'as pas dit un mot depuis que tu es rentré...

- Non, c'est bon, je suis juste fatigué.

Elle me connaît suffisamment pour savoir que je mens, mais aussi pour deviner qu'il est inutile d'insister.

Je bâcle les quelques devoirs que j'ai pour demain, puis je passe le reste de la soirée à regarder des films pour me changer les idées.

~~

Un peu plus tard, je garde les yeux fixés au plafond, incapable de dormir.

Dazai. Ses manières étranges, son regard vide, ses bandages...

Son regard.

J'ai enfin trouvé le problème. Ses yeux n'étaient pas vides d'émotion. Ils reflétaient autre chose. Mille autres choses.

L'image tourne sans fin dans mon esprit.

- Il m'énerve, je marmonne pour moi-même.

Non seulement il se permet de me faire passer une mauvaise journée, mais en plus je n'arrête pas de penser à lui. C'est insupportable.

Je décide brusquement de me renseigner sur lui.

Je veux savoir qui il est.

{Soukoku} Et les feuilles mortes tombèrent dans l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant