Chapitre 15

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 Chapitre 15 - Dazai : Des étoiles dans les yeux

La fille en face de moi est vraiment jolie. De longues boucles brunes encadrent son visage parfaitement ovale, et ses yeux en amande subtilement maquillés ne me quittent pas. Jolie, donc, et intéressante. Parler avec elle est vraiment distrayant, mais... il manque quelque chose, comme si on savait tous les deux que ce rendez-vous était inutile.

Je l'ai emmenée au café puis au bord du fleuve le plus proche.
On s'arrête un moment, profitant du paysage plus que de la présence de l'autre. 

Elle se rapproche soudain de moi et plaque ses lèvres sur les miennes. Je lui réponds par réflexe, saisissant prudemment sa taille. Ce n'est pas désagréable, mais ça n'a rien de comparable avec Chûya.

Si il était là... À la place de cette fille...
Il ne se collerait pas à moi de cette manière. Il serait moins doux, plus sûr de lui, plus puissant aussi.

La fille s'écarte de moi, un peu déçue. Elle voit bien que je ne suis pas vraiment avec elle.

- Écoute, marmonne-t-elle, je crois qu'on a tous les deux compris que cette histoire ne mènerait à rien.

Je hoche la tête, ne trouvant rien d'intéressant à dire.
Elle se détourne et ajoute avec un sourire :

- T'as mon numéro, si jamais tu veux discuter un de ces jours. Bonne chance avec la personne qui a volé ton cœur.

Intelligente, en plus.

- Merci...


~~

Je me retrouve seul au milieu du monde, un peu perdu. C'est la première fois qu'une fille me rejette.

Je m'assieds au bord du fleuve et attends simplement que mon cœur se calme.

Je ne veux pas rentrer chez moi et affronter la réalité, pas encore.
Ranpo se moquerait sûrement de moi s'il me voyait, mais c'est la dernière chose qui me préoccupe.

~~

- Il est tard, tu devrais rentrer.

Le message d'Oda me sort de ma torpeur. Je marche dans le froid sans y prêter attention, et une fois devant chez moi, je me rends compte que je n'ai déjà plus aucun souvenir du trajet.

Je me décide enfin à ouvrir la porte, et me dirige directement vers le salon avec la ferme intention de m'écrouler dans un fauteuil.

- Dazai.

- Chûya ?!

Il est assis sur le canapé, son téléphone à la main, l'air de m'avoir attendu.

- Alors ? demande-t-il d'un ton froid.

Je me plante face à lui :

- Quoi ?

- Ton rendez-vous.

Son regard posé sur moi m'empêche de me concentrer. 

- Ça ne te regarde pas.

Il se lève calmement et s'approche de moi. Je me sens frissonner. Je ne sais pas ce qu'il compte faire, et ça me terrifie.

- Te fous pas de moi, Dazai. Tu sors avec elle, oui ou non ?

- Non. T'es content ?

Il passe une main dans ses cheveux, hésitant. On passe nos journées à se disputer, mais là... C'est différent. On le sait tous les deux.
Je lâche :

- Je suis désolé pour tout à l'heure.

Chûya se mord la lèvre, un peu surpris de me voir m'excuser.

- Ouais. Je veux dire... Merci.

Un long silence suit. La tension emplit l'air, nous enveloppe, et je me sens soudain à l'étroit.
Je ne sais pas comment réagir, comme souvent avec Chûya. J'ai besoin de lui mais mes souvenirs me hurlent de m'éloigner de lui. Je ne veux pas qu'il s'attache à moi comme je me suis attaché à lui. Je ne veux pas le blesser comme je l'ai été. Il mérite que je sorte de sa vie. Je devrais-

- Et puis merde.

Chûya franchit le pas qui nous sépare et dévore mes lèvres avant que j'aie eu le temps de réagir.
Je suis perdu.
Je veux qu'il m'embrasse encore.
Je devrais m'écarter.
Ses mains se glissent dans mes cheveux, agrippent ma nuque et me tirent contre lui.
Les battements de mon cœur résonnent dans tout mon être comme si j'allais exploser.

- Chûya-

Sa langue me coupe dans mon élan, me dissuadant aussitôt de terminer ma phrase.
Je sens mes mains glisser sur son corps, curieuses et délicates, échappant complètement à mon contrôle.
C'est différent de tout ce que j'ai vécu jusqu'ici.

Peut-être parce que je suis amoureux.

On finit par s'écarter à contrecœur l'un de l'autre, haletants. J'appuie mon front contre celui de Chûya, un sourire se formant naturellement sur mes lèvres.

- Avoue que je suis irrésistible.

Il me tape gentiment le bras, pour le principe, se moquant de moi sans chercher à me blesser.

- Je veux rester avec toi, je lance brusquement.

Je ne reconnais pas l'hésitation qui paraît dans ma voix.
Je me sens plus fragile que d'habitude.
Plus fort, aussi.

- Je ne te lâche plus.

Il m'embrasse encore.
Je ferme les yeux et laisse tomber toutes mes barrières.
Un brouillard sucré envahit tout.

À cet instant, je n'ai plus aucune envie de mourir.

{Soukoku} Et les feuilles mortes tombèrent dans l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant