Chapitre 9

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Chapitre 9 : Dazai - Espoirs

J'observe d'un œil le frère de Chûya, un certain Tachihara, râler en lui donnant ses affaires. Odasaku s'est contenté de me dire qu'il allait devoir me faire parler, ce soir.

Pour lui, faire parler quelqu'un, c'est juste s'asseoir à table et discuter. Rien à voir avec les méthodes de mon oncle...

À mon grand désespoir, Chûya insiste pour que l'on se change dans des pièces séparées. Je me rattrape en entrant dans la sienne avant qu'il n'ait terminé. Il finissait de boutonner sa chemise, mais ça ne l'empêche pas de me jeter un regard noir :

- On ne t'a jamais appris à frapper avant d'entrer ? Espèce d'idiot impudique.

- C'est pas moi qui ait passé la soirée et la nuit en sous-vêtements avec quelqu'un qui était entièrement habillé, je rétorque.

- Je... C'est toi qui es venu !

J'attrape mon sac de cours et lui lance un clin d'œil avant de sortir de la pièce :

- Bien sûr, bien sûr.

Une fois dans le couloir, je me concentre sur les battements de mon coeur pour les faire ralentir. J'ai rarement besoin de le faire. Mon corps est endormi d'habitude. Je peux le contrôler, l'oublier, peu importe.

Je sais parfaitement pourquoi ce sentiment a disparu.

Ce nain immature me rend vivant.

Je n'ai pas encore décidé si c'était une bonne chose ou non.

~~

- Tu devrais la rencontrer.

Odasaku me regarde d'un air sérieux. On est assis à la table de la cuisine, lui le dos droit et les mains jointes sur la table, moi installé à l'envers sur ma chaise, le menton appuyé sur le dossier.

- Hmm. L'autre s'occupe très bien d'elle.

Mon tuteur soupire, préparé à cette réponse.

- C'est ta sœur, Dazai, fais un effort.

Devant mon manque de réaction, il ajoute :

- Et je te rappelle que l'autre, comme tu dis, a un nom. Pourquoi tu refuses de le respecter un minimum ?

- Je ne l'aime pas.

- Tu n'aimes pas la voisine non plus, pourtant tu lui fais des grands sourires à chaque fois que tu la vois.

- Grâce à ça, elle m'a raconté toute sa vie. Tu savais que son mari était une vraie catastrophe en cuisine ? Au contraire de son amant, d'ailleurs. Il n'est pas très discret, il laisse toujours une cuillère dans l'évier, alors que-

- Dazai.

Je ferme les yeux, vaincu.

- La limace m'énerve. Elle ne me laisse pas lui mentir.

- C'est plutôt une bonne chose, non ?

Je lève les yeux au ciel.

- Non, c'est agaçant.

Odasaku se lève, signe que la discussion se termine. Je ne comprends pas pourquoi il a choisi ce moment, et pas avant, ni après. Il est la seule personne que je ne peux pas lire totalement.

- Tu devrais laisser un peu de répit à Nakahara, tu sais. Tes plaisanteries à longueur de journée ne le feront pas changer d'avis à ton sujet.

Devant mon air interrogateur, il ajoute :

- Je crois qu'il t'aime bien.

Je me réfugie dans ma chambre et m'écroule sur mon lit.

Oda peut bien dire ce qu'il veut, il est hors de question que je revoie Kyûsaku. Elle est très bien là où elle est. Elle a une famille aimante.

Peut-être même plus que l'ancienne... Je l'embarquais toujours dans mes expériences, lui demandant de faire le guet pendant que je fouillais la chambre des parents, ou bien de mettre un pomme sur sa tête et de ne pas bouger pendant que je tirais des fléchettes dedans.

Ça la faisait rire. Je la revois, debout sur le tabouret de la cuisine, essayant d'atteindre le haut du four pour attraper sa peluche.

Chûya lui a sûrement lu des histoires et fait des jeux de société avec elle. Les repas en famille chez lui sont sûrement animés et joyeux, chacun racontant sa journée, loin de l'ambiance sérieuse des repas de notre enfance où l'on écoutait nos parents se plaindre de nos problèmes financiers.

Si je n'avais pas rencontré Chûya, je ne me serai pas posé de questions.

Je sais que je n'ai pas ma place dans cet univers, et pourtant...

L'arrivée d'un message sur mon téléphone me distrait momentanément de mes pensées.

- Exos de maths pour demain. Fais-les, sinon je vais perdre des points aussi !!

Chûya. Il y a Chûya.

Une nouvelle variante dans mon avenir tout tracé.

Je souris malgré moi et me lève pour m'installer à mon bureau.

Ces exercices n'ont pas l'air vraiment difficiles, après tout.

{Soukoku} Et les feuilles mortes tombèrent dans l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant