Chapitre 20

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Chapitre 20 - Chûya : Blessures

Avertissement : mentions d'automutilation

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- Dazai ? Ça alors, j'ai cru que tu m'avais oubliée ! Tu ne viens jamais me rendre visite !

- J'étais très occupé, répond le principal concerné avec un clin d'œil.

Je lève les yeux au ciel, exaspéré, et salue poliment Yosano.

- On vient pour Dazai, j'explique en le poussant devant moi.

Armé d'un grand sourire, celui-ci s'installe tranquillement sur l'un des lits disponibles et fait mine de s'endormir aussitôt.
Je lui donne un coup de pied dans la jambe, et il hurle de douleur, terrassé par la blessure imaginaire que je viens de lui faire.
Yosano laisse échapper un sourire et tire les rideaux autour du lit de Dazai.

- Qu'est-ce qu'on a, cette fois ? demande Yosano en souriant.

Dazai commence à retirer ses vêtements, l'air ravi :

- Odasaku et Chûya se liguent contre moi, c'est tout !

- Bien sûr, comme toujours.

Yosano tire une chaise près du lit pour que je m'y installe, puis elle retire doucement les premiers bandages.
C'est la première fois que je vois Dazai en sous-vêtements, et mes yeux ne quittent pas les épais bandages qui le couvrent de la tête aux pieds.
L'infirmière déroule lentement le tissu, et je vois apparaître des lignes rouges creusées dans la peau de mon petit ami.
On dirait un peu des branchies de poisson : des tranchées un peu étranges qui permettent de respirer.
Elles couvrent l'entièreté de ses bras et sont si profondes que Yosano décide d'en recoudre certaines.
Dazai reste silencieux et inexpressif, comme indifférent à son propre corps.
Yosano soigne les plaies avec application, lentement, mais sans s'arrêter pour autant quand elle voit son patient grimacer de douleur.
Je reste assis sur ma chaise, hébété devant mon ignorance. Dazai s'est déjà confié à moi, pourtant. Il m'a parlé de sa souffrance, mais...
Je n'aurais jamais pensé qu'elle était ancrée en lui à ce point.
Je peux imaginer les lames qui ont tranché sa peau, et je _sais_ que Dazai a tenté de mettre fin à ses jours récemment. Plusieurs fois.
Comme il le fait depuis trois ans.

- Chûya ? Tout va bien ? demande prudemment Yosano.

- Oui, je réfléchissais.

Je cache mes mains tremblantes et affiche un maigre sourire.
Pourtant, je voudrais pleurer, hurler, frapper un mur.
Je ne suis pas suffisant.
Dazai est brisé, et ce n'est pas mon amour pour lui qui lui donnera une raison suffisante pour vivre.
Il parlait toujours de suicide, mais j'étais trop agacé par sa simple présence pour y prêter attention.
J'ai cru que je pourrais l'aider comme j'ai aidé Kyûsaku.
Mais Dazai est différent, et moi, je n'arrive toujours pas à admettre que je m'inquiète pour lui.

~~

- C'est terminé depuis un moment, tu sais. Yosano est partie. Tu peux... me regarder.

Je garde les yeux baissés au sol, incapable de bouger.

- Tu n'y es pour rien, ajoute-t-il doucement.

- Tu fais chier, Dazai.

- Je sais.

- Tu t'amuses à passer pour un idiot et à faire tout ce qu'il te passe par la tête. Au final, tu ne te sers de ton cerveau que pour emmerder le monde.

Ma voix tremblante ralentit le rythme de mes phrases, mais je ne m'arrête pas pour autant.

- Et une fois seul, tu détruis ton corps en espérant que ça te libère. Tu veux mourir ? Vas-y. Mais fais-le maintenant et laisse-moi tranquille, putain.

J'essuie rageusement les larmes qui menacent de couler sur mes joues :

- Arrête de me laisser croire que tu ne vas pas m'abandonner pour de bon.

Dazai reste un moment silencieux. Nos respirations résonnent étrangement dans le silence blanc de l'infirmerie.

- Je... Je suis désolé.

Il attrape mon visage de ses mains et me force à le regarder. Je me plonge dans son regard. Il a rarement été sincère à ce point.

- Ça ne va pas suffire, je lâche.

- Je sais.

Il se rapproche de moi jusqu'à faire se toucher nos visages. Je le laisse faire, mais reste à une distance respectable de ses lèvres.

- Laisse-moi t'aider.

Dazai paraît plus fragile que d'habitude. Il faut toujours que je le provoque pour qu'il retire son masque habituel. Il finit par répondre :

- Si tu veux.

- Bien.

Cette fois, je l'embrasse sans hésiter, satisfait.

~~

- J'ai comme une impression de déjà-vu, pas vous ?

Je m'écarte précipitamment de Dazai en entendant la voix de Yosano.

- C'est une infirmerie, ici, pas un groupe de parole.

Dazai pose théâtralement une main sur sa poitrine :

- Je suis blessé !

- Je sais, je viens de te recoudre. Ça ne te donne pas le droit de régler tes problèmes de couple en même temps.

Rouge de gêne, je force Dazai à se relever et marmonne quelques excuses, vite balayées par l'infirmière :

- Je ne veux plus vous voir ici, tous les deux.

- Tu me brises le cœur !

Une main dramatiquement posée sur son cœur, Dazai ne récolte qu'un regard exaspéré de la part de Yosano. De mon côté, je l'attrape par la main et le tire hors de l'infirmerie.

- T'es insupportable, je marmonne en l'entraînant tant bien que mal à travers les couloirs.

Il se rapproche de moi, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres.

- Je sais.

Il se colle contre mon dos et pose sa tête sur mon épaule :

- Mais je t'aime... C'est le principal, non ?

{Soukoku} Et les feuilles mortes tombèrent dans l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant