XXIII

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‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ La fugue était chose courante chez moi, je voulais m'échapper de cet enfer, quitte à dormir dehors ou à être en cavale quelques jours. Malheureusement, ce soir-là il neigeait.


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‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ Par habitude, H m'avait jetée dans le canapé pour me frapper et me piquer avec ses aiguilles à tricoter. Je me suis tellement débattue que je suis passée par-dessus le canapé, faisant tomber la lampe à côté de moi. 

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ Profitant de cette distraction, j'ai rapidement couru jusqu'à la salle de bain pour m'y enfermer et j'ai fondu en larmes. Mais je n'avais pas le temps de m'apitoyer sur mon sort, il fallait que je trouve une solution, et vite. Après avoir respiré un bon coup et dès que j'ai entendu H s'agiter dans la cuisine,  je me suis enfuie par la porte d'entrée.

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ Dehors, il neigeait et le sol était couvert de verre glas, mais c'était le cadet de mes soucis. J'avais dévalé les escaliers, manquant de me casser la figure à cause du glissement. Je me souviens que je faisais le tour de l'immeuble à la recherche d'un refuge, peut-être même d'un endroit pour passer la nuit. En vain, j'ai quitté le quartier pour pouvoir chercher dans un endroit avec plus de possibilités : la ville.

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ Ne sachant ni où se trouvait le commissariat ni l'hôpital, je me suis sentie perdue, seule. J'étais bloquée et je mourrais de froid à cause du simple t-shirt noir que je portais. Je m'étais finalement résignée à rentrer à la résidence. C'était peut-être bête de ma part mais c'était le seul endroit qui ne m'était pas inconnu. Je marchais à contrecœur tout en pleurant. Plongée dans mes pensées, je n'avais pas fait attention et j'avais glissé abruptement sur le sol. 

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ Je ne me souviens plus du temps exact où je suis restée là, par terre, dans le froid et à pleurer, mais bien assez pour qu'une dame sorte de chez elle. J'ai ouvert les yeux en tentant de dire quelque chose, mais les mots étaient restés coincés dans ma gorge. Elle m'avait observé un instant avant de rentrer chez elle, probablement persuadée que j'étais une junkie.

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ J'étais frustrée, l'aide semblait me tourner le dos à chaque fois.

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ Je me suis relevée, décidée à rentrer chez moi. Je n'avais nulle part où aller. Remontant l'escalier, je me suis assise contre la porte d'entrée, à l'intérieur, menant aux différents appartements du dernier étage par un couloir.

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎H a malheureusement entendu la porte. Elle est sortie en trombe et m'a violemment attrapée par les cheveux pour me tirer sur toute la longueur du couloir, jusqu'à me faire entrer. Rien que par la brutalité de son geste, je sentais que j'allais passer un sale quart d'heure. Mais j'avais mal jugé la situation parce qu'étrangement, elle ne faisait plus attention à moi. Je me suis rendue compte qu'elle préparait son sac et donc qu'elle s'apprêtait à partir quelque part. J'aurais pu être inquiète, mais dans un sens, ça me rassurait. J'allais être hors de danger pendant un moment. 

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎H était partie en claquant la porte et la boule à neige que je lui avais offerte pendant un voyage scolaire était tombée par terre. Elle s'était brisée en mille morceaux, l'eau s'étalant juste à côté de la lampe, toujours au sol elle aussi. 

‎‎ ‎‎‎‎ ‎‎ ‎ ‎‎‎ ‎ ‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎ ‎Pour ne pas envenimer la situation, j'avais commencé à ramasser les nombreux bouts de verre et à nettoyer puis j'avais entendu H rouvrir la porte, énervée. En me voyant faire, elle avait hurlé "Tu vas t'électrocuter salope !" avant de récupérer quelque chose dans sa chambre et de repartir. J'étais terrorisée. J'avais éloigné la lampe, laissant la boule à neige dans le même état, et j'étais partie me coucher, épuisée par les événements.

Témoignage d'une enfance meurtrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant