Prologue : Point de rupture

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Jimmy

Samedi 29 Février 2020

Lille (France), dans l'appartement de Jimmy et Adélaïde.

De toute mon existence, je n'ai jamais ressenti autant de regrets qu'à cet instant. Ma confiance a chuté, de manière mémorable, et j'ai perdu mon sang-froid. Aussi brutalement que cela. Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes, ni clairement profondément enfoui dans ma carapace. Ce n'est pas moi, tout ça. Tous ces doutes, tout ce bouleversement d'émotions et cet abandon d'assurance ne font en aucun cas partie de moi.

Alors pourquoi, lui ai-je craché toutes ces insanités à la figure ? Pourquoi n'ai-je pas pu tenir ma langue, une bonne fois pour toutes et que je ne l'ai pas laissée déverser sa colère sur moi comme je le méritais ?

Parce que j'avais peur. Parce que j'étais furieux contre elle, contre moi et surtout contre ce monde entier qui ne cesse me mettre des bâtons dans les roues. Et surtout parce que je ne suis qu'un con.

Je reste à fixer la porte close de mon appartement, le lieu que je partage avec elle depuis plus de deux mois, dans l'espoir qu'elle revienne pour me secouer tel un prunier. Mais il n'en est rien. Adélaïde ne rentrera plus à la maison. Je l'ai trop déçue. Mon comportement d'aujourd'hui a été plus que détestable cet après-midi, je ne le sais que trop bien. Et les mots que j'ai prononcés ce soir lui ont fait mal. Beaucoup trop mal en réalité. Je ne m'en suis rendu compte qu'au moment où j'ai surpris ses si beaux yeux verts s'inonder de larmes, alors qu'elle tentait le tout pour le tout de communiquer avec moi.

Seulement je ne suis pas parvenu à m'exprimer autrement que par les cris...

Le regard affligé et désappointé qu'elle m'a lancé suite à ça m'a fait l'effet d'un coup de poignard dans l'estomac. La colère a parlé à ma place. Mon manque de confiance l'a frappée de plein fouet. Et mes préjugés ont attisé de la rage chez elle, celui qu'elle ne m'a jamais montré. Jusqu'à aujourd'hui. Elle a vu mon mauvais côté, tout comme j'ai perçu le sien. Et malgré cela, nous avons continué à nous entre-déchirer et nous assaillir verbalement. Jusqu'à ce qu'elle décide d'arrêter les frais, parce que nous n'arrivons plus à nous mettre d'accord. Elle a pris la plupart de ses affaires, m'a balancé ses clefs en pleine figure et s'en est allée en claquant la porte derrière elle.

Elle m'a laissé dans son dos, complètement abimé et décontenancé, tandis que mon cœur continuait ses battements furieux contre ma poitrine. J'ai attendu. Trop longtemps espéré qu'elle me revienne. Et maintenant que je sais qu'elle est amplement trop fière pour faire demi-tour, une terrible angoisse me prend aux tripes alors que je commence à prendre conscience d'un élément essentiel, occasionné par cette violente dispute. Tout ça, en l'espace d'une poignée de minutes.

Adé vient de me quitter.

Un halètement paniqué se déloge de ma gorge. Je recule plusieurs pas en réalisant cette information qui me déchire de l'intérieur. Le déni me pousse à refuser cette rupture, qui est pourtant plus qu'apparente. Je tente de repasser la scène en boucle dans ma tête en me disant que j'ai dû l'imaginer. Mais non, c'est bel et bien le cas : d'une manière aussi brutale, ma si belle danseuse a rompu avec moi. Parce que j'ai été cruel avec Adé, après cette journée si horrible pour elle. Alors que j'ai juré sur ma vie qu'elle pouvait compter sur moi et mon soutien.

- Putain de merde, lâché-je après coup.

Mon corps se met à trembler d'appréhension pendant que je me rends compte dans quel merdier je me suis encore fourré. J'ai beau haïr de tout mon être ces foutus coups du destin, seulement cette terrible nouvelle n'est que fomenté par ma faute. Je suis l'unique responsable de ce déluge qu'est devenue ma propre vie. A cause moi, de mes ressentiments comme de mes préconçus, Adélaïde est partie, en dépit de nos merveilleux moments passés ensemble, mais également des quelques épreuves de la vie qui nous ont incombé, l'un après l'autre.

J'ai tout gâché. Tout !

Je prends ma tête entre mes mains et expire un souffle tremblotant. Mon cœur me fait horriblement mal pendant que je comprends que je viens de perdre ma moitié. Celle qui m'a soutenu malgré les évènements. Celle qui m'a encouragé à prendre mon envol malgré la peur qui me collait à la peau. Celle qui est parvenue à illuminer chacune de mes journées et à m'arracher de nombreux sourires.

Je l'ai perdue. A tout jamais. Et c'est entièrement ma faute.

Dans un élan de désespoir, j'attrape mon téléphone que j'ai laissé tomber sur le canapé et compose hâtivement son numéro. Les sonneries de mon appel résonnent. Une fois, deux fois, trois fois. Ça coupe.

« Bonjour ! Vous êtes bien sur le répondeur de Miss Adé et je ne suis pas disponible pour le moment. Veuillez laisser un message après le bip ! retentit sa voix enjouée préenregistrée ».

Je raccroche aussitôt, paniqué, et réitère mon appel. Mais cette fois-ci, il ne sonne plus. Je tombe directement sur son répondeur.

Elle m'a bloqué.

Mes muscles tremblent de colère en le saisissant. D'un geste furibond, je balance mon portable à l'autre bout de la pièce dans un hurlement. Ce dernier s'explose contre l'une des fenêtres de l'appartement, faisant fuir Smokie, son chat gris, qu'elle a aussi laissé derrière elle. Ce qui est surprenant puisqu'elle l'aime de tout son cœur.

Elle ne peut pas l'avoir abandonné...tout comme moi.

- Putain ! m'écrié-je sous le contrecoup de mon emportement.

Irrité, je me dirige vers la table de la salle à manger. Je fais voltiger mes papiers sur le sol et donne un gros coup de pied sur l'une de nos chaises. Celle-ci se renverse en arrière, mais cela n'atténue pas l'excès de rage que je ressens tout-à-coup. Je déchire les quelques photos de nous qu'elle a tenu à placarder dans les quelques recoins de la pièce. Nos sourires me font subitement mal, la voir aussi resplendissante attise ma colère tandis que mes pensées me ramènent vers notre explosion. A cet instant, je la déteste de m'éjecter aussi vite de sa vie autant que je me hais d'avoir tout fait capoter en seulement quelques minutes.

Nous étions si beaux, tous les deux...

Je tombe sur mes fesses, après avoir saccagé les quelques souvenirs de notre bonheur passager. Je ne peux plus me contenir alors que ma gorge se noue dans mon horrible désillusion. Nos photos balafrées en main, ses clefs dans l'autre, je fonds durement en larmes. Mes regrets me rattrapent aussitôt tandis que plusieurs sanglots secouent mon corps chancelant. Je pleure pendant ce qui me semble une éternité, vidant probablement l'entièreté de l'eau de mon organisme. Je n'arrive plus à m'arrêter, ça me fait trop mal. Ad est partie et je ne l'ai pas rattrapée.

- Putain de merde, parviens-je à dire malgré mes sanglots. Je...je suis tellement désolé, Ad...tellement désolé...je ne suis qu'un con.

Mais elle n'est plus là pour entendre mes excuses. Elle n'est plus là pour comprendre combien je regrette notre terrible dispute, puisque nous avons justement atteint ce point de rupture et qu'il est impossible pour nous de le surmonter. Comme les autres fois.

🌟🌟🌟


Petit prologue pour bien démarrer l'histoire 😇 (avec quelques interrogations j'imagine 😁)

En espérant que ça vous plaise pour l'instant 💜 on se retrouve bientôt pour le premier chapitre 😘

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