Choupinette et canard en sucre (1)

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Jimmy

Jeudi 25 Juillet 2019 (sept mois plus tôt)

Wavrin (France), en pleine cambrousse.

Une musique électro retentit dans mes écouteurs. Elle se propage dans mes oreilles, faisant presque osciller mes tympans. Le son me motive, m'amine. J'ai la sensation que mon cœur bat au même rythme de la mélodie, tandis que mon souffle, lui, suit la cadence de ma course. Mes yeux cherchent un endroit où me focaliser pendant que mes pieds foulent le trottoir un peu trop rondement.

Et moi, dans tout ça, je me laisse transporter. Par cette musique plus que motivante, par ce footing qui me fait transpirer, par cet air tiède qui fouette ma peau. Et cela m'apporte un bien fou.

J'ai l'impression de m'évader. D'être loin, si loin de tout. De ma vie, de tous mes problèmes, de mes nombreuses mésaventures. Et d'être enfin en paix avec moi-même. Un sentiment de liberté affole mon cœur. Je frémis comme à chaque fois que je sens cette adrénaline qui prend l'assaut de mon corps. La fatigue disparaît peu à peu, laissant place à une énergie qui m'électrise indubitablement. J'ai la sensation de voler, de bondir. Je ne sens pratiquement plus la douleur. Je suis soudainement plus léger. Dans ma tête.

Mes muscles se contractent à chacun de mes pas. Mes poumons se vident et se remplissent vivement. J'ai subitement chaud, et je ne saurais dire si cela est dû à la température extérieure qui avoisine les vingt degré en cette fin de matinée, ou alors l'effort qui augmente incontestablement cette sensation de moiteur. Sûrement un peu des deux. Et pourtant, je ne suis pas incommodé par cette perception qui me fait beaucoup trop suer. Au contraire.

D'un revers de la main, j'essuie mon front luisant et humidifie mes lèvres un peu trop sèches comme pour retirer mon envie de boire un bon litre d'eau minérale. Je ne veux pas m'arrêter, il faut que je continue de courir. Pas uniquement parce que cela me fait du bien, mais aussi par un besoin de ne penser à rien. Si ce n'est que de poursuivre, encore et encore, jusqu'à ce que mon corps soit endolori.

Peut-être que je fuis. Peut-être que je m'isole. Dans cette bulle, je reste avec moi-même et c'est justement ça qui me plait. Loin de tout, loin de tout ce monde qui semble connaître ce qui est meilleur pour moi. Loin de cette société qui essaie de me mettre des bâtons dans les roues. Il n'y a que moi, et cette solitude m'apaise tellement...

Mes mauvais songes s'étiolent face à cet instant concentré d'adrénaline affriolante. Ma famille, mon passé, mes résultats fâcheux s'effacent peu à peu pour laisser la place à ce bonheur éphémère.

J'aime tellement me dépenser, encore plus aujourd'hui, parce que je ne pense à rien d'autre que de courir.

Mais je sais que cela ne peut durer éternellement. Pour mon plus gros malheur. Et lorsque mon téléphone se met à vibrer contre mon bras droit, stoppant ainsi la musique en cours de ma playlist Spotify, je laisse échapper un soupir agacé. J'arrête ma course à contrecœur, essoufflé, enlève mon portable de mon brassard puis décroche sans regarder le nom au préalable, persuadé que c'est ma mère qui va encore me casser les pieds.

— Ouais ? dis-je un peu trop abruptement, accentué par ma mauvaise humeur soudaine.

J'imagine à l'avance ce qu'elle va me questionner : « à quelle heure penses-tu nous faire l'honneur de rentrer ? » ou encore : « je n'ai pas apprécié que tu aies fui la conversation tout à l'heure, nous avons encore des choses à nous dire ! ». Je lève déjà les yeux au ciel, m'attendant au pire quant à cette discussion qui risque une nouvelle fois de dégénérer. Comme ce matin.

— Hello...euh...whaou ! Calmos ! Tu vas me sauter à la gorge ou quoi ? J'te jure que j'ai rien fait !

Je ferme les paupières en reconnaissant la voix de mon meilleur ami, Stéphane. Le soulagement décontracte les muscles de mon cou et de mes épaules, et détend également ma mâchoire, que j'avais déjà serrée sans m'en rendre compte.

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