Chapitre 1 : Le Voleur de Vélo

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J'adorais mon travail, même si parfois, je devais faire face à des situations plus ardues que d'autres. Cet hôpital situé au cœur d'une grande ville américaine avait une place spéciale dans mon cœur. J'appréciais mes collègues qui affectueusement me surnommaient "la Frenchy", bien que je résidais depuis près de dix ans dans ce pays et que mon accent français était à peine perceptible. J'étais attachée à ma routine, à ma paisible vie d'infirmière.

Il était presque vingt-trois heures lorsque je franchis les portes automatiques et quittai l'hôpital. Le froid automnal me pénétra. En cette fin de novembre, l'hiver était proche et il se montrait plutôt rigoureux dans cette région.

Ma garde de douze heures venait enfin de se conclure et j'avais de la chance que la pluie ne soit pas au rendez-vous. Mon jogging nocturne s'en trouvait d'autant plus agréable. J'empruntai plusieurs artères principales du centre-ville, particulièrement animées en ce vendredi soir par des jeunes en quête de divertissement. Je les observais avec envie. Cela faisait déjà trois week-ends consécutifs que je travaillais et je n'avais eu aucune occasion de sortir ou de voir mon amie Célia.

Célia et moi nous connaissions depuis le lycée. Au cours de ces dix dernières années, nous avions partagé tous les aspects de nos vies, des moments de joie aux périodes plus sombres. Jeune avocate dans un grand cabinet, elle consacrait souvent ses week-ends à travailler sur ses dossiers. Trouver des créneaux compatibles dans nos emplois du temps chargés devenait de plus en plus complexe. Les jours où nous fréquentions assidûment les bars semblaient désormais bien loin. Elle, la grande brune voluptueuse d'origine mexicaine, aux cheveux courts, et moi, la petite Française élancée et pâle, aux cheveux longs et ondulés. Nous formions un duo aux antipodes l'une de l'autre, uni malgré tout par une amitié solide. Elle était aussi organisée que j'étais désordonnée. Elle affichait un style féminin toujours à la pointe de la mode, tandis que ma devise vestimentaire était davantage "tant que c'est confortable, c'est parfait". Célia était extravertie et sociable, tandis que j'étais plus en retrait et réservée.

Après presque trente minutes de course, je tournai finalement dans la rue où je vivais. Il ne me restait plus qu'une poignée de mètres à parcourir pour atteindre mon modeste deux-pièces, niché au deuxième étage d'un bâtiment ancien composé de quatre appartements.

La serrure de la porte extérieure était défectueuse depuis plusieurs jours, sans qu'aucun propriétaire ne paraisse pressé de faire appel à un artisan. Cependant, le comble était que le rez-de-chaussée abritait un atelier de réparation tenu par un homme capable de remettre en état aussi bien un micro-ondes qu'un moteur de camion. L'adage "les cordonniers sont les plus mal chaussés" prenait ici tout son sens.

Heureusement, le quartier n'était pas trop malfamé. Le petit hall de l'immeuble se composait simplement d'un escalier, d'un couloir menant à un local à vélo et de quatre boîtes aux lettres. Pendant que je reprenais mon souffle, je m'approchai des boîtes pour récupérer mon courrier, puis m'apprêtai à gravir les escaliers. Soudain, un bruit sourd retentit, interrompant net ma montée. J'immobilisai mes mouvements, tendant l'oreille pour confirmer si j'avais imaginé ce son. Un second bruit plus distinct se fit entendre, comme un gémissement, confirmant que mon cerveau ne me jouait pas des tours. Ce chuchotement étrange semblait émaner du local à vélo, dont la porte était légèrement entrebâillée.

Récapitulons. Il était presque minuit, aucune lueur ne filtrait de la pièce d'où provenaient les bruits, et la porte extérieure était cassée. En tant que femme, je ne possédais pas plus de force qu'il ne m'en fallait pour ouvrir un pot de confiture et même si j'avais une bonne endurance, mes courtes jambes ne me permettraient pas de semer un éventuel poursuivant. Tous les éléments paraissaient réunis pour un scénario d'horreur digne d'un film.

Je tentai de me raisonner et d'analyser la situation. Quelqu'un s'était-il introduit ici ? Plusieurs scénarios me vinrent à l'esprit. Cela pouvait être un sans-abri qui avait profité de l'opportunité pour trouver un endroit sec où dormir. Il était également possible qu'un couple à la recherche de sensations fortes se soit aventuré ici pour une expérience peu commune.

Malheureusement, il était tout aussi plausible que quelqu'un aux intentions malveillantes se cachait là, avec l'intention de voler les vélos stockés dans ce local, voire de commettre quelques actes répréhensibles.

Je passai en revue les options qui s'offraient à moi. Au premier étage, je savais pertinemment que Madame Grewson, qui semblait me vouer une haine inexplicable, ne répondrait même pas si je frappais à sa porte. Quant à l'autre appartement du palier, son locataire travaillait de nuit dans un bar. Mon voisin, un vendredi soir, serait soit sorti, soit trop ivre pour être en état de réagir.

Il ne me restait que deux options : affronter la situation avec courage et vérifier ce qui se passait dans le local, au risque de me retrouver en première page des journaux le lendemain matin, ou bien agir comme si de rien n'était, rentrer chez moi et barricader la porte à double tour. Mon courage, qui paraissait s'être subitement évaporé, m'incita à opter pour la seconde option, sans grande hésitation. Avec une extrême précaution, je plaçai un pied sur la première marche de l'escalier, effectuant chaque pas avec un soin méticuleux pour monter sans émettre le moindre bruit. En cette soirée-là, l'âme d'une superhéroïne semblait bien loin de moi.

Cependant, mon retrait stratégique fut soudainement interrompu lorsque je remarquai sur le sol du couloir des traînées de couleur rouge foncé se dirigeant vers le local. Près de la porte, un téléphone récent gisait abandonner et taché du même sang. Mon appréhension céda devant mon sens du devoir professionnel. Étant devenue infirmière pour aider mes semblables, je ne pouvais pas ignorer ces signes de blessures potentielles. J'optai donc pour l'inspection du local et la possibilité de faire appel aux secours, si nécessaire. Je sortis le taser que m'avait offert Célia, malgré mes réserves initiales. Elle m'avait persuadée de le garder sur moi en permanence. L'appareil de défense en main, je pris une grande inspiration, m'approchai de la porte et allumai la lumière du local.

Four Aces Of CardsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant