Chapitre 34 : Raccontare frottole

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Une pâtisserie appétissante trônait devant moi, mais étant assise entre Ariana et Alberto, je me sentais tout sauf à l'aise et n'osais pas y toucher. Le parrain, installé en face de moi, m'observait attentivement. Pour dissimuler ma gêne et occuper mes mains, je portai ma tasse de café à mes lèvres.

— Victoire, vous êtes infirmière, n'est-ce pas ? me demanda le parrain sans détourner son regard. Vous devez avoir des horaires difficiles et décalés ?

— En effet, c'était souvent le cas pour le personnel soignant.

L'oncle semblait analyser ma réponse.

— Difficile d'avoir une vie de famille dans ces conditions, non ?

— Tout est question d'adaptation. Plusieurs de mes collègues sont mères de famille et s'en sortent très bien. Cela nécessite simplement une meilleure organisation.

Il acquiesça, puis préleva un morceau d'œuf de son assiette et le porta à sa bouche. C'est sa sœur qui prit l'initiative de poursuivre la conversation.

— Dois-je comprendre que vous n'avez pas l'intention de quitter votre travail ?

Je l'observai un instant, surprise par cette question.

— Pour quelle raison devrais-je quitter mon travail ?

— Pour être disponible pour votre foyer, bien évidemment. Clemente aura besoin de vous à ses côtés, et votre emploi pourrait mettre en péril votre couple. J'imagine que vous pourrez continuer jusqu'au mariage, mais ensuite il vous faudra faire ce choix.

Bon sang, si même les femmes de cette famille avaient cette mentalité d'un autre temps, je n'étais pas sortie de l'auberge.

— Et en ce qui concerne le mariage ? J'espère que vous n'avez pas l'intention de prolonger les fiançailles indéfiniment, comme c'est devenu à la mode chez les jeunes générations. J'imagine qu'un mariage au printemps serait idéal.

— Nous n'avons pas encore abordé tous ces sujets, répondis-je d'une voix incertaine.

— Ah ? Vous vous êtes fiancés sans discuter mariage et vie commune ? C'est étrange, ce sont pourtant des sujets importants. Clemente et vous ne semblez pas prendre très au sérieux vos fiançailles. Ce n'est pas un jeu, c'est un engagement pour la vie, me répliqua-t-elle avec suffisance.

Je ne savais pas quoi répondre. Je savais que Arianna tentait de me pousser à l'erreur, et j'appréhendais de m'embourber. C'était Clemente le cerveau de notre comédie et le seul qui savait comment se comporter dans ce genre de situation. Je jetai un œil vers l'entrée, espérant l'apercevoir, mais il avait disparu. J'étais seule face à ses deux prédateurs.

Et comme si mon malheur n'était pas complet, c'est Nicola qui apparut dans la pièce. Dès qu'il remarqua notre table, il se mit à sourire perfidement et se dirigea directement vers nous. Arrivé à notre niveau, il salua son père et Alberto et embrassa sa tante avec froideur, ce qui la fit se crisper. La présence de Nicola lui était visiblement dérangeante, c'était le seul point commun que nous semblions partager. Puis, il s'approcha de moi et déposa un baiser sur ma joue, en faisant glisser sa main dans mon dos. Je ne pus retenir un frisson.

— Victoire, as-tu bien dormi ? m'interrogea-t-il d'un ton mielleux. Tu es partie si rapidement hier.

Je n'arrivais toujours pas à totalement cerner ce type. À quoi jouait-il encore ?

— Vous paraissez proches, s'étonna sa tante.

Ariana promenait son regard entre nous deux, nous analysant. Nicola acquiesça.

— Nous avons passé du bon temps hier soir. N'est-ce pas, Victoire ?

Il appuya sa phrase d'un clin d'œil qui semblait m'être destiné.

Four Aces Of CardsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant