Chapitre 12

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Lorsqu'Alya reprit conscience, elle avait terriblement mal à la tête. Sa première pensée alla aux cachets qu'elle ne se rappelait plus avoir rangés. Puis, elle eut envie de se glisser dans un bain rempli d'eau bien chaude afin d'y détendre son corps.

Les yeux toujours clos, elle voulut ramener son oreiller sur sa tête. Seul hic, l'oreiller avait disparu. Ses mains tâtonnaient sous sa tête mais ne touchaient que du vide. La jeune femme fronça les sourcils, perplexe.

Où était passé son matelas ? Et le sol ?

Au départ, elle crut qu'elle rêvait à demi-consciente. Seulement, alors qu'elle ouvrit les yeux et qu'un début de souvenir lui revint, elle comprit qu'elle ne rêvait pas. Son corps flottait dans les airs, à un mètre au-dessus du sol.

Alya n'osait pas faire de gestes brusques de peur que la chose qui la maintenait en l'air ne disparaisse subitement et la fasse chuter à terre. Elle redressa seulement la tête afin d'apercevoir un bout de l'environnement dans lequel elle se trouvait.

À son grand bonheur, elle n'était pas dans une vieille cave miteuse. En fait, l'endroit était plutôt cosy. C'était un salon, put-elle deviner grâce à un luxueux canapé anthracite. Les murs étaient immaculés, baignés de lumière grâce aux néons accrochés ci et là parmi la pièce. Alya eut beau tourner sa tête dans tous les sens, elle n'aperçut aucune fenêtre, rien qu'une unique porte grande ouverte.

Elle tenta un geste pour se relever, mais rien n'y fit. Elle restait inexorablement en l'air. La jeune femme patienta un moment avant qu'elle n'entende des voix étouffées venir d'une autre pièce. Elle fut tentée d'appeler à l'aide, mais se retint. Ces types savaient sans doute ce qu'ils faisaient. Si elle criait, personne ne l'entendrait.

—Ça y est, j'ai trouvé la scie circulaire ! T'es sûr que tu ne préfères pas la tronçonneuse ? lança un homme qui entra dans la pièce.

Si grand que sa tête frôlait le plafond, Alya reconnut aussitôt son agresseur.

—Ne perd pas ton temps à essayer de lui faire peur, lui répondit calmement une autre voix.

Celle-ci provenait d'en dessous Alya. La jeune femme dut se dévisser le cou avant de comprendre que quelqu'un était assis juste sous son corps en lévitation.

—Dommage, je voulais m'amuser un peu, ronchonna le géant. Elle est réveillée au moins ?

Son interlocuteur ne lui répondit pas. À la place, Alya se sentit basculer en avant. Elle chuta sur le sol avant qu'une force invisible ne l'oblige à s'asseoir sur ses genoux, les mains liées dans le dos. Elle releva la tête pour apercevoir le géant et le sorcier qui l'observaient.

—Qu'est-ce que je fais là ?

Si tôt qu'elle eut fini de parler, elle sentit la force invisible la bâillonner. Elle comprit d'un regard que c'était le jeune sorcier qui la manipulait à sa guise.

—Ici, c'est nous qui posons les questions, affirma le géant d'un ton ferme. Que préparent les chasseurs ?

Le sorcier exécuta un geste de la main qui lui libéra la bouche.

—Quoi ? fut la seule réponse qu'elle était capable de donner.

Alya ne comprenait pas ce qui les poussait à croire qu'elle connaissait les plans des chasseurs. Elle ne faisait pas partie de leur clan, en fait, elle les fuyait plus qu'autre chose.

—On sait que tu fricotes avec les chasseurs. Que sais-tu à propos d'eux ? Que sont-ils venus faire ici ? On veut tout savoir.

—Je crois que vous faites erreur sur la personne, les gars. Je ne suis pas avec les chasseurs, se défendit-elle.

C'est alors que le géant sortit un amas de papiers pliés de sa poche arrière de pantalon. C'était le journal local, avec en gros plan une image de l'administration, des trois chasseurs et bien-sûr d'elle-même. Alya grimaça. Elle était d'autant plus affreuse sur la photographie imprimée.

—Ok, je veux bien croire que toutes les preuves sont contre moi. Mais je vous le jure, je suis de votre côté ! Je n'aime pas les chasseurs, on m'a forcé à prendre cette photo stupide, déblatéra Alya qui tentait tant bien que mal de sauver sa peau.

—Ça suffit. Penses-tu vraiment qu'on va croire qu'une humaine soit du côté des monstres, comme vous aimez nous appeler ?

Bien-sûr que non. Tous les humains exécraient les êtres surnaturels, parce qu'ils en avaient trop peur, parce qu'ils étaient plus faibles. Ils ne supportaient pas de ne pas être au-dessus de la chaîne alimentaire. Alors les créatures fantastiques les mettaient tous dans le même panier, tout comme les chasseurs en faisaient de même avec eux.

Alya allait se décourager lorsqu'elle eut une idée.

—Ton ami, c'est un sorcier non ? Il n'existe pas un sortilège de vérité ou je-ne-sais-quoi ? Comme ça, vous serez certain que je ne vous mens pas.

Le géant se tourna vers son camarade qui se gratta l'arrière du crâne, gêné.

—Ça existe, oui, mais je n'ai jamais réussi à en lancer un...

Fantastique, se dit Alya avec une certaine ironie.

Elle était enfermée là avec des êtres magiques inexpérimentés, persuadés qu'elle était leur ennemi. Jamais elle ne ressortirait d'ici.

—Tant pis, on va devoir se servir des méthodes anciennes.

—Quelles méthodes ? osa demander Alya.

Le géant leva sa main, agitant ses doigts sur lesquels dansaient de minuscules flammes dorées. Le visage d'Alya pâlit instantanément devant la menace évidente. Ils allaient la torturer pour la faire parler. Mais elle ne savait rien !

Maudit soit ces chasseurs qui lui bousillaient la vie. Sans eux, elle n'en serait pas là.

—J'ai hâte de t'entendre crier.

Alya se débattit mais rien n'y fit, la magie du sorcier était trop puissante. Le géant approcha sa main. Elle sentait d'ici la chaleur extrême que ses flammes dégageaient. Une chose était sûre.

Ça allait piquer.

—Tonton, t'es en bas ? Tu peux m'aider à réviser mon sort d'illusion ? J'ai beau tourner le truc dans tous les sens, je ne comprends pas, entendit-elle juste avant que la main du géant ne la touche.

C'était une voix assez jeune, et qui lui semblait étrangement familière. Le géant jeta un regard ennuyé au jeune sorcier.

—Désolé, le devoir m'appelle, s'excusa ce dernier.

Alya en fut surprise.

Lui, tonton ? Il avait à peine vingt ans !

Le sorcier sortit de la pièce afin d'aider son neveu à l'étage. Les liens faiblirent à mesure qu'il s'éloignait. Bientôt, Alya put enfin remuer ses doigts. Mais elle demeura immobile jusqu'à ce que ses liens se défassent tout à fait. Le géant continuait de la fixer d'un air meurtrier.

—J'arrive Simon. Ne descends surtout pas ! dit le sorcier.

Alya eut une révélation. Elle savait où elle avait entendu cette voix. C'était son camarade de classe, Simon, avec qui elle avait passé la journée à la bibliothèque municipale.

Elle avait peut-être une chance de s'en sortir finalement.

Les Précurseurs de l'HarmonieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant