Les Précurseurs de l'Harmonie

Chapitre 7

Les jours défilèrent sans que rien d'extraordinaire se produise. Aucune créature surnaturelle avait été débusquée depuis l'incident du professeur de mathématiques - ou les chasseurs s'étaient faits discret. Depuis ce lundi fatidique, on ne parlait plus que de l'exceptionnelle cérémonie qui aurait lieu en l'honneur des "protecteurs de l'humanité".

Toutes ces réjouissances exaspéraient Alya au plus haut point. Les habitants de cette ville ne semblaient pas réaliser l'imposture des chasseurs. Ceux-là se fichaient bien de la sécurité du peuple. Tout ce qu'ils voulaient, c'était massacrer des créatures, qu'elles soient innocentes ou non.

Alya lisait tranquillement un vieil exemplaire de Croc-Blanc lorsque l'on sonna à la porte. Sa mère étant occupée à préparer le repas de midi, elle se proposa pour ouvrir au nouveau venu. Elle était néanmoins troublée. Sa mère et elle n'attendait personne, et jamais elles ne recevaient de visite surprise. Aussi crut-elle à un de ces démarcheurs qui faisait du porte-à-porte pour leur entreprise.

Elle n'aurait jamais cru un jour regretter de ne pas en voir apparaitre un sur le seuil de sa porte. Au lieu de ça, elle eut le déplaisir d'y trouver un chasseur qui ne lui était que trop familier.

—Je peux savoir ce que tu fiches ici ? s'emporta t-elle aussitôt.

—Bonjour à toi aussi, se contenta de répondre Raphaël d'un air faussement vexé.

Il tenta de pénétrer dans la maison et Alya lui coupa aussitôt la route.

—Eh bah, quelle amabilité. Tu sais recevoir tes invités, ça fait peur, se gaussa le chasseur.

—Tu n'es pas invité, que je sache. En fait, je ne sais même pas ce que tu fais ici, ni comment tu m'as trouvée.

Elle commençait à le trouver vraiment suspect et se demandait si tout ça avait réellement un lien avec l'égo blessé de Raphaël après qu'elle ait refusé les avances du chasseur, ou si ce dernier ne cachait pas quelque chose.

—Après le petit spectacle qu'on a donné dans ton établissement, le proviseur a accepté que je fouille un peu dans les archives du lycée, s'expliqua le chasseur.

Le brun paressait se trouver malin d'avoir eu pareille idée.

—C'est dingue ce qu'on peut apprendre des gens dans un dossier scolaire ! Alya Darmont, née le sept juillet ici même, au CHU Charles Nicolle. Oh, et tu es sacrément brillante comme élève dis donc. J'ai vu tes résultats scolaires, c'est absolument excellent. Et pourtant, tu as refusé d'étudier à la Sorbonne. Pourquoi ?

Outrée d'apprendre que le chasseur avait été fouillé dans son dossier scolaire, Alya serra le poing et le frappa à l'épaule.

—Aow, fit lentement le chasseur.

Son visage impassible laissait démontrer que la jeune femme était loin d'avoir frappé assez fort pour lui faire éprouver une quelconque douleur.

—Je t'interdis de fouiller dans mes dossiers, tu n'as pas le droit ! Si tu dois avoir des informations sur moi, c'est à moi et à moi seul que tu dois t'adresser, c'est clair ?

Raphaël avait clairement porté atteinte à sa vie privée. Il se fichait bien des conséquences, tant qu'il obtenait ce qu'il voulait.

Eh bien, Alya allait lui apprendre à répondre de ses actes.

—Ça, j'aimerais bien. Mais tu n'as jamais voulu répondre à mes questions, protesta le chasseur d'un air indigné. Je te répugne tant que ça ?

—Alya, qui c'est à la porte ? les interrompit la voix de sa mère depuis la cuisine.

—Ce n'est rien, juste un copain de classe ! lui répondit Alya en criant dans le hall d'entrée. Et pour répondre à ta question, oui, tout en toi me dégoute, ajouta t-elle à voix basse.

Raphaël était sur le point de répliquer lorsque quelque chose derrière la jeune femme attira son regard. Alya se retourna afin de voir ce qui l'avait interpellé.

C'était sa mère qui avait fait apparition dans le corridor. Intriguée par les messes basses qui résonnaient dans la maison, elle était venue voir le visiteur de sa fille. Elle manqua de sauter de joie en reconnaissant l'homme sur le seuil de la porte.

—Vous êtes un chasseur ! On vous voit partout à la télé ! s'égosilla t-elle.

Alya se cogna le front contre le chambranle de la porte, dépitée. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était que le chasseur parte et l'oublie. Mais l'intrusion de sa mère, adoratrice de la communauté des chasseurs, lui compliqua la tâche.

—Vous êtes à la recherche d'un monstre ? Vous avez des armes sur vous ? Dîtes, qu'est-ce qui est arrivé à votre œil ? assomma sa mère de questions.

Raphaël n'était pas mal à l'aise devant tant d'attention. Après tout, il y était habitué. C'était une célébrité universelle. Cependant, Alya n'avait pas envie de le voir bombé le torse devant sa mère, fier comme un paon qui ferait la roue.

—C'est une histoire bien longue à expliquer, et je n'ai pas beaucoup de temps devant moi, s'excusa le chasseur.

—D'ailleurs, que venez-vous faire ici ?

Raphaël se tourna vers la jeune blonde. Une étincelle de malice brilla dans son œil mutilé lorsqu'il annonça enfin :

—J'invitais votre fille à être ma cavalière à la cérémonie de samedi, ce qu'elle a allégrement accepté.

Alya s'offusqua de le voir se servir de sa propre mère contre elle. Raphaël était malin, sans doute un peu trop. Et maintenant que sa mère était persuadée qu'elle accompagnerait l'un des meilleurs chasseurs à la soirée de samedi, il allait être difficile de lui faire comprendre qu'elle n'irait pas sans avoir à lui expliquer la véritable situation. En outre, elle était coincée.

Satané chasseur, il lui pourrissait la vie !

Sa mère s'époumona de joie à ses côtés, déblatérant sur sa blondinette qui commençait enfin à s'intéresser aux garçons. Elle se ventait d'avoir une fille qui fréquentait un chasseur, un vrai. Alya n'avait jamais vu sa mère dans un tel état auparavant. Cela la faisait presque frémir de peur.

—Vous restez déjeuner avec nous ? proposa ensuite Mme Darmont.

—J'aurais bien aimé, mais j'ai des choses à faire, refusa poliment Raphaël. Une prochaine fois peut-être.

Il se pencha alors vers Alya, comme pour lui faire la bise.

—Touche-moi et je te mords.

Raphaël rit de ses menaces, nullement impressionné. Il les salua une dernière fois avant d'enfin repartir de là où il était venu.

Alya referma la porte, d'humeur encore plus massacrante qu'au début de la semaine. Elle allait devoir se joindre à la cérémonie, au bras d'un chasseur mondialement reconnu. Elle ne passerait pas inaperçue. Tous les regards seraient braqués sur eux. Elle aurait intérêt à se tenir à carreau.