Manakiel & Sowl (mxm)

Chapitre 1 : Manakiel

La plupart du temps, Manakiel de Danvilliers était un fae très heureux. Du moins, il l'avait été, jusqu'au jour où on avait détruit sa vie.

Il avait même été célèbre, dans un temps pas si lointain où les magiciens se trouvaient ébahis par sa beauté exceptionnelle et ses tours de prestidigitateur, encore plus spectaculaires que leur magie élémentaire. Sa renommée s'était étendue sur toute l'île des Colonies de l'Air, sa terre d'asile et l'endroit où il se sentait bien plus chez lui que sur sa propre terre natale dont il n'avait conservé que peu de souvenirs. Ses parents l'avaient envoyé ici durant son enfance alors qu'il était né dans la dimension d'Etherya, là où leur peuple vivait. Cependant, ils n'étaient jamais revenus le chercher. Il avait supposé leur mort, puis avait fini par oublier les traits de leur visage après une trentaine d'années. Il n'en avait pas souffert et le temps avait bien œuvré pour chasser cette peine lorsqu'elle se présentait à lui. En effet, Manakiel tenait à sa bonne humeur, l'entretenant avec de nombreux sourires.

Élevé par sa vieille nourrice gobelin, Tae, ils avaient dû se débrouiller seuls à leur arrivée. Cette période de sa vie demeurait confuse et le serait sûrement toujours dans l'esprit du jeune fae.

Les magiciens étaient hostiles envers ces drôles d'étrangers venus d'une dimension parallèle à la leur. Fort heureusement, grâce à son charme naturel et un bagout sans pareil, Manakiel avait su se faire une place et un nom, non sans subir quelques épreuves de la vie.

"Tu es un petit malin" lui disait souvent Tae, jusqu'à ce qu'il la retrouve un jour lapidée dans leur roulotte. Probablement à cause d'un tour qu'elle avait dû jouer au mauvais magicien. Il n'était alors qu'un adolescent, en colère et devint de plus isolé que jamais du reste du monde. À partir de ce moment-là, il avait erré dans les rues, sans aucune perspective d'avenir, jusqu'au jour où une chamane lui avait tendu la main. Elle l'avait trouvé charmant, malgré ses habits rapiécés et son hygiène déplorable. Manakiel n'avait jamais oublié cette rencontre providentielle. Sa sauveuse se nommait Lori, une descendante d'une longue lignée de voyants. Elle sentait toujours l'ambre et le tabac froid. Et surtout, elle lui avait appris bon nombre d'enseignements, tous très peu légaux.

Lori avait une fille, Dina, un peu plus jeune que lui. Il avait grandi à ses côtés et quand sa mère était trop malade pour tirer les cartes, la petite Dina la remplaçait au pied levé pour leur assurer un minimum de revenu. Manakiel faisait un bon rabatteur pour attirer la clientèle et au fur et à mesure, ce qui allait devenir l'Extraordinarium, son foyer, était déjà né.

L'Extraordinarium se construit d'abord dans l'esprit de Manakiel, un lieu d'enchantement, de spectacles et d'attractions ayant fait sensation dans tout le pays. Cela avait été un endroit enchanteur, où l'illusion régnait en maître, où les rires, les acrobaties et les tours se succédaient à une vitesse étourdissante.

La magie, la joie, les petites combines et les tours de passe-passe faisaient partie de son quotidien. Manakiel avait bâti ce village merveilleux de ses mains et à la sueur de son front : c'était l'œuvre de toute sa vie dont il tirait une grande fierté.

Malheureusement, aujourd'hui, tout avait été détruit. Réduit à néant. L'Extraordinarium ne ressemblait plus qu'à un vaste cimetière sinistre où gisaient des carcasses d'attractions et de maisons fantômes. Toute sa troupe avait été décimée ou avait pris la fuite. Seuls quelques-uns de ses compagnons, ceux qui n'avaient vraiment pas d'autre foyer ou de famille que l'Extraordinarium, demeuraient encore à ses côtés.

Son rêve avait été anéanti.

Juste pour une erreur. Une seule fichue erreur.

Manakiel trouvait cela scandaleux, même s'il s'était joué de la loi du Voxxum, le conseil des magiciens régissant l'île, en occupant de façon illégale ces terres située à l'écart de la Municipalité Est.