Chapitre 18 : Sowl

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La rue où vivait était étroite, bordée de bâtiments délabrés aux façades grises et écaillées. Tous les lundis, les étals des marchands, alignés le long des trottoirs détériorés, débordaient de vieux objets et d'articles usagés, tandis que des bannières en lambeaux flottaient au-dessus de leurs têtes. C'était un quartier pauvre, où l'activité commerciale avait été autrefois florissante, mais où le temps et les aléas économiques avaient laissé leur empreinte. Malgré cela, Sowl aimait cet endroit. Il s'y sentait en sécurité.

Le matin était déjà bien avancé lorsqu'il s'attela à sa tâche quotidienne : remettre de l'ordre dans la boutique. Son père, assis dans son fauteuil délabré de l'arrière-boutique, regardait le monde extérieur par une petite fenêtre crasseuse. Les traits de son visage étaient tirés, marqués par les années et la fatigue. Ces deux derniers jours, il n'était plus vraiment présent, perdu dans les méandres d'une sénilité naissante. Lui qui avait été un homme passionné par son métier, actif, voire trop... Maintenant, ses pensées semblaient dériver dans un monde parallèle, loin de la réalité de la vie de son fils.

— Papa, tu devrais aller te reposer, lui suggéra-t-il en lui posant une main sur l'épaule.

Son père releva la tête, le regardant comme s'il le voyait pour la première fois.

— Oh, Sowl, c'est toi, mon garçon ? Quel bon vent t'amène ?

Sowl soupira en lui souriant tristement.

— Je suis là depuis ce matin, tu le sais bien. Allez, viens, tu devrais t'allonger un peu.

Il aida son père à se lever et le conduisit à l'étage jusqu'à sa chambre. Une fois qu'il fut installé, il ajusta la couverture sur lui.

— Repose-toi, papa. Je vais m'occuper de la boutique et je la fermerai ce midi. S'il y a des livraisons à faire, je m'en chargerai.

Son père opina du chef avec un sourire vague et se laissa aller au sommeil. Le cœur lourd, Sowl sortit de la chambre en refermant doucement la porte derrière lui.

La boutique avait encore besoin d'attention. Après un pic d'affluence, les étagères étaient désorganisées, les bocaux d'herbes médicinales encore ouverts suite aux dernières confections que son père avait concoctées la veille. Sowl savait qu'il devait tout ranger avant de s'occuper de ses propres projets. Il commença à reboucher les pots et les fioles, à classer les herbes médicinales par ordre alphabétique et à nettoyer les étagères.

Alors qu'il était absorbé par ses corvées, son père revint dans la boutique en traînant les pieds. Il se dirigea vers le comptoir et s'assit sur un tabouret, une lueur de conscience dans les yeux.

— Papa, tu devrais vraiment rester dans ta chambre, lui conseilla Sowl.

— Ah, tu as déjà tout rangé ? Merci, Sowl. Tu es un fils formidable.

Il se massa les tempes avant de lui demander son traitement pour la migraine. En l'observant boire sa décoction, Sowl se demanda si un jour il irait mieux.

Ils se regardèrent un moment, se comprenant sans avoir besoin de mots supplémentaires. Son père devrait songer à prendre sa retraite. Un jour, Sowl lui en parlerait, mais pas avant que son état de santé ne s'améliore. Dans quelques jours, sûrement. Les épisodes de son père semblables à celui-ci ne duraient pas plus de quelques jours. Du moins, pour le moment.

L'après-midi, Sowl laissa son père préparer ses remèdes. Il était temps pour lui de chercher du travail. Un emploi honnête, du moins. Il avait économisé un peu d'argent en travaillant dans la boutique et en rendant des services ici et là aux autres marchands du quartier. Néanmoins, il savait que cela ne suffirait pas à assurer son avenir. Après une toilette minutieuse, il enfila une chemise propre et prit une grande inspiration avant de sortir de chez lui, la tête découverte.

Manakiel & Sowl (mxm)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant