Manakiel & Sowl (mxm)

Chapitre 13 : Sowl

Plus d'une semaine s'était écoulée sans que Sowl n'ait eu la moindre nouvelle de Danvilliers. Au début, il se sentait soulagé de ne pas l'avoir recroisé après l'étrange épisode du bureau. D'ailleurs, il refusait d'y penser car il ignorait ce que cette altercation avait éveillé en lui et ne tenait pas à le savoir. Cela faisait deux mois qu'il avait gardé un calme à toute épreuve face aux provocations et au sourire horripilant du fae, pourtant ce jour-là, il avait grandement échoué à rester de marbre.

C'était sans doute cela le pouvoir de Danvilliers : parvenir à le faire sortir de ses gonds alors que tant d'autres avaient vainement essayé de le déstabiliser. Il avait encaissé tant de moqueries, de coups et de tentatives d'humiliation durant son enfance. Il avait été enfermé dans une cage comme une bête pendant des semaines sans que cela ne l'ait affecté, trop préoccupé à ne pas se laisser envahir par ses pulsions démoniaques et finir par tout brûler autour de lui.

Sowl s'était toujours contrôlé... jusqu'à ce qu'il rencontre ce farfadet infernal. Et aujourd'hui, pour une étrange raison, son absence le perturbait. Sa colère envers lui s'était dissipée, laissant place à une certaine inquiétude. Que lui arrivait-il ?

Lorsqu'il se lassa d'arpenter comme une âme en peine l'Extraordinarium, il retourna chez Dina, qui fumait sur la terrasse de sa roulotte.

— Toujours aucune trace de Mana ? s'enquit-elle.

— Je ne le cherchais pas, se défendit Sowl. Mais nous sommes toujours liés par le pacte, ce serait bête qu'il lui soit arrivé quelque chose.

— Bête pour qui ? sourit la jeune femme.

— Pour mon père et moi, quelle question, ronchonna le démon.

Elle expira longuement la fumée avant de lui répondre :

— Il va revenir. Il revient toujours.

— Mais qu'est-ce qu'il fabrique ?

— Dieu seul sait ce qu'il mijote ! Il peut revenir dans un état second ou euphorique. Tout est possible avec lui. C'est Mana, quoi.

— Ce n'est pas sérieux de sa part, râla Sowl. S'il arrive malheur à cet imbécile, je serai damné à tout jamais. Sais-tu où il peut se trouver ?

— Essaye de regarder du côté du quartier d'Aquilon, peut-être que tu trouveras ton bonheur. Tu veux que je t'accompagne ?

— Non, je ne serai pas long, répondit Sowl.

Déterminé, il quitta l'Extraordinarium pour trouver une navette disponible. Les rues étaient désertes à cette heure-ci, mais le démon enfila rapidement une paire de gant rangée dans les poches de sa longue veste pour dissimuler ses doigts noirs de jais. Il rabattit la grande capuche sur sa tête et se hâta. L'air frais lui glaça les poumons, signe que la neige ne tarderait pas à tomber. Non loin de l'Extraordinarium se trouvait une borne pour faire venir le moyen de transport à soi. Sowl tapota sur le cadran et deux minutes plus tard, la navette s'arrêta devant lui pour l'emmener vers sa destination.

Quinze minutes plus tard, il se retrouvait parmi l'effervescence des bas-quartiers d'Aquilon et se faufila entre les passants, ignorant les appels des prostitués des bordels qui avaient pignon sur rue.

Sowl connaissait ces rues comme sa poche, c'était le seul endroit où il était brièvement dévisagé, mais jamais importuné. Ici, la vie nocturne battait son plein, les rires et les éclats de musique s'échappaient des tavernes enfumées et des clubs privés tapissés de velours rouge. Les enseignes lumineuses clignotaient avec une promesse de plaisir et d'aventure, attirant les fêtards avides de divertissement et d'évasion.