Manakiel & Sowl (mxm)

Chapitre 7 : Sowl

La dernière journée de l'année, Manakiel décréta que ses compagnons auraient un jour de repos bien mérité. Ainsi, Sowl put dormir un peu plus tard. Dina était déjà partie et il profita de ce moment de solitude pour repenser à sa conversation avec Danvilliers en fixant le plafond.

Leur accord avait beau le contrarier, il commençait malgré lui à prendre ses habitudes ici après un mois de présence. Il s'entendait bien avec madame Creda et Dina. Pierre et Tarkin semblaient aussi sympathiques, bien que ce dernier eût un sens de l'humour particulier. Dans l'ensemble, les autres toléraient sa présence et se montraient polis. Sowl pensa malgré lui qu'il aurait pu tomber sur pire, comme croupir en prison ou finir dépecé sur une table de morgue d'un scientifique zélé du Voxxum.

En effet, la soif de connaissance des magiciens ne semblaient pas avoir de limites. Sowl avait déjà entendu ces histoires effrayantes qu'on racontait dans les tavernes : ils raflaient parfois des personnes pour en faire des sujets de laboratoire. Il pensait qu'il s'agissait de légendes urbaines, jusqu'au jour où ces bandits lui étaient tombés dessus. Sa captivité l'avait marqué à passer ses journées enchaînés comme une bête, tantôt dans une cage, tantôt dans des entrepôts désaffectés, plongé dans le noir pendant des jours.

Il avait passé les deux plus longues semaines de son existence et préférait encore être ici, aussi curieux que cela puisse paraître.

Sa chambre mansardée lui manquait. Ses affaires aussi, bien qu'il en avait peu. Le confort de son lit, ainsi que ses draps, résistants à certaines aspérités de son corps ou encore au frottement de ses cornes contre l'oreiller. Ces petites choses du quotidien : sa tisane préférée, ses carnets de notes ou encore les vieux disques de son père qui tournaient sur le gramophone usé crachant des airs de musique classique dans leur minuscule salon. Las, il s'enroula davantage dans ses couvertures, un brin nostalgique. Il allait devoir s'armer de patience. Ou tordre le cou de Danvilliers. Il verrait bien et aviserait le moment venu.

— Sowl ?

Le démon reconnut la voix haut-perchée de Danvilliers. Décidément, il ne lui laissait jamais aucun répit. Il se leva à contrecœur pour aller lui ouvrir. Pour une fois, le fae n'arborait pas l'un de ses costumes extravagants. Il portait une vieille chemise trop grande pour lui, un boléro étroit brodé d'arabesque et un pantalon ajusté.

— Je croyais que nous avions quartier libre aujourd'hui, grogna le démon en lui ouvrant la porte.

— Et moi je croyais que tu étais pressé de partir ?

Le fae s'invita dans la caravane de Dina sans lui demander son avis. Elfie, son fidèle animal de compagnie, quitta son épaule pour aller jouer dans les draps. Danvilliers lui jeta un bref coup d'œil et commença à préparer du café.

— Je comptais rendre visite à mon père aujourd'hui, l'informa Sowl. A pied, histoire de me dégourdir les jambes.

Sous-entendu : laissez-moi en paix, juste pour aujourd'hui.

— Est-ce une bonne idée ? répondit Danvilliers. Tu risques de ne plus revenir.

— Nous avons un accord. Et puis, ce n'est pas comme si je pouvais m'y soustraire.

Danvilliers lui déposa une tasse fumante et sirota tranquillement son café en l'observant à nouveau.

— Aujourd'hui, je suis chez moi, annonça-t-il. Ça ne te dérange pas pour travailler sur la toiture ?

Apparemment, les jours de repos ne le concernaient pas non plus. Sowl ravala une colère naissante.

— Non, se força-t-il à répondre. J'ai bientôt fini de toute façon. Plus vite j'aurais terminé cette tâche, plus vite j'irai voir mon père.